À la confluence des principes de l’aquaculture et de l’hydroponie, l’aquaponie est un système en circuit fermé où poissons, plantes et bactéries vivent en symbiose: ils vivent de concert dans un écosystème miniature qui profite parfaitement à chaque partie. Dans ce mode de culture, rien ne se perd, tout se transforme!

L'envers du décor: un équilibre chimique gagnant-gagnant

Ça a l'air plus compliqué que ça ne l'est réellement. Les poissons introduisent de l’ammonium, de l’urée, du phosphore et du potassium dans l’eau via leurs déjections. Les bactéries présentent dans le bassin transforment l’amoniac provenant de ces excréments en nitrate, assimilable par les plants, qui à leur tour purifient l’eau des poissons. L’eau utilisée par les plantes est celle nécessaire aux poissons. Les nutriments et le CO2 passent des bassins aux plantes plutôt que d’être rejetés dans la nature. Aucun dédoublement, aucune perte!

Système aquaponique © Cathon pour eau-agriculture.com


Un défaut de l’aquaponie est celui de la gestion des déjections des poissons. Ici, les fientes sont récupérées pour alimenter les plantes!


Pourquoi s'intéresser à l'aquaponie?

Selon le WWF, les pratiques agricoles non viables représentent la plus grande menace immédiate pour les espèces et les écosystèmes du monde entier. L’ONG Global Footprint Network souligne qu’en août 2017 nous avions consommé toutes les ressources naturelles que la Terre pouvait produire en un an. Chaque année, l’humanité vit à crédit. Il lui faut donc trouver des manières plus efficaces de se nourrir et de gérer l’eau potable. L’aquaponie présente une partie de la réponse.

En effet, cette culture saine peut se pratiquer dans des espaces réduits, impropres à une culture traditionnelle, tout en ayant des rendements très importants. C’est ce qui la rend remarquable! Le parlement européen a même classé l’aquaponie comment étant l’une des dix technologies capable de changer le monde (Woensel et Archer, 2014)! 

« L’aquaponie convient aux zones urbaines afin de fournir des aliments aux marchés locaux, aux régions sèches ayant des sols pauvres, aux pays en développement, aux communautés rurales ou à n’importe quel endroit où la production d’aliments frais est nécessaire. » (cannagardening.ca)

© goodkarmaaquaponics.com

Autres avantages (nombreux)

  • 100 % locale, 100 % organique, sans antibiotique ni insecticide!
  • Aucun arrosage, désherbage ou engrais nécessaire (l’engrais est l’un des éléments les plus néfastes en agriculture).
  • Nécessite 90 % moins d’eau que l’agriculture traditionnelle.
  • Produit de 6 à 10 fois plus de nourriture par m2 que l'agriculture industrielle, et la croissance est plus rapide.
  • Système de culture durable et récoltes constantes.
  • Nul besoin de sol, et lorsque vous cueillez les légumes, ils sont déjà propres!
  • Moins de déchets engendrés que par l’aquaculture classique.
  • Récupération d’espaces inutilisables pour une culture classique (sous-sol, lieux bétonnés, etc.).

L’aquaponie dans le monde, et ici

Malgré le fait que cette façon de cultiver ait fait ses preuves depuis des millénaires − on en a retrouvé des traces chez les aztèques, - elle reste peu connue. Pourquoi? Car l’aquaponie demande de connaître parfaitement bien ses poissons... autant que ses végétaux! Les deux domaines sont avantageux à combiner, mais il faut apprendre à tout gérer à même temps.


80 % des producteurs en aquaponie se trouvent aux États-Unis (plus de 1500 installations), 8 % en Australie et 2 % au Canada. (Projet Apiva)


Au pays, les systèmes commerciaux sont peu nombreux, la technologie étant plutôt utilisée par les particuliers. Marc Laberge, de Cultures Aquaponics inc., en fait partie; ce dernier fait de l’aquaponie commerciale dans les Laurentides depuis maintenant dix ans. Il est confiant que la production aquaponique, encore en phase expérimentale, prendra rapidement son essor. 

Plusieurs projets expérimentaux à plus petite échelle ont par ailleurs éclos récemment au Québec.

Coopérative Abondance Urbaine Solidaire (C.A.U.S.)

Un système d’aquaponie communautaire (premier au Québec) situé à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Verdun (Montréal). Alimentation saine et locale, et éducation et relations sociale: ce programme a pour objectif de créer l’abondance pour les citoyens. Produits offerts à la cafétéria de l’établissement

Écosystèmes alimentaires urbains (ÉAU) et Olivier Demers-Dubé, cofondateur de l'organisme

Une ferme urbaine en aquaponie de deux étages avec plus de 500 tilapias et 400 plants (première au Québec), située à Place Shamrock, à Rosemont-La-Petite-Patrie (Montréal). Un projet éducatif conçu pour démontrer la viabilité économique et les avantages de ce type particulier d’agriculture urbaine.

Martin Desmarais et son système d'aquaponie personnel

Chez lui, à Rosemont-La-Petite-Patrie (Montréal), Martin Desmarais a installé un système dans son sous-sol. Ce particulier cherche à être le plus autonome possible grâce à son système d’aquaponie, ses jardins sur le toit, ses poules, son éolienne et ses panneaux solaires photovoltaïques

© Écosystèmes alimentaires urbains (ÉAU)

Aquaponie: se lancer chez soi?

Martin Desmarais a testé (et réussi) l'aquaponie chez lui. Tout comme Martin, vous désirez devenir un peu plus autonome sur le plan alimentaire? Plusieurs sites (retrouvez nos liens préférés en bas d’article) vous expliquent comment procéder...  Voici les grandes lignes.


Attention! Ne se lance pas en aquaponie résidentielle qui veut.
Cela nécessite une bonne connaissance de l’horticulture, un suivi pointu de la qualité d’eau et une gestion ponctuelle des nutriments.


Avant de commencer

Dans notre climat particulier, la culture extérieure est limitée à quelques mois par année. Si vous voulez réaliser une culture aquaponique, il vous faudra le faire à l’intérieur de votre résidence et prévoir des systèmes de chauffage et d’éclairages adaptés, ou dans une serre ou un bâtiment parfaitement adaptés aux quatres saisons.

Avant de commencer, n’oubliez pas de consulter le Règlement sur l’aquaculture et la vente de poissons.

@ Cathon pour eau-agriculture.com

Taille

Pour un système simple, 2 à 3 m2 suffiront. Pour une autonomie à l’année, il faut plutôt prévoir une surface minimale de 40 m2.

Le nombre de plantes dépend du nombre de poissons dans le système et de leur taille. Une tonne de poisson permet de soutenir la culture de sept tonnes de végétaux, grosso modo.
  • Prévoir 1 po de largeur de poisson par 3,5 litres d’eau dans un petit système
  • Dans un système plus gros, on élève environ ½ lb de poisson par 3.5 litres

L’équipement

  • Des cuves: petite(s) pour commencer avec un système simple. Le bac de culture doit être de taille proportionnelle avec l’aquarium.
  • Une pompe: adaptée au volume d’eau à déplacer.
  • Des tuyaux: pour faire circuler l'eau entre les différents bacs.
  • Un substrat: gravier, argile, mousse ou aucun substrat, selon le système et les bacs de culture.

Prévoir de 4 à 6 semaines pour établir le système. Vous pourrez ensuite intégrer les poissons, au printemps ou à l’automne (les périodes extrêmes étant moins adaptées).

Conseils

  • Démarrez petit afin de vous familiariser avec le système. Une installation plus grande est plus stable, mais il faut bien en saisir les principes.
  • Les températures et les taux d’ensoleillements idéaux pour les poissons et les végétaux ne sont souvent pas les mêmes. Informez-vous!
  • Une contamination non maitrisée ou un bris d’équipement pourraient faire s’effondrer le système, et il peut être difficile d’appliquer des traitements spécifiques aux plantes ou aux poissons sans nuire aux seconds. On préfère éviter dès le départ les risques... il faut donc bien connaître ses éléments!

La clé du succès: la qualité de l’eau! Une eau propre, bien oxygénée, à température adéquate, avec un niveau de nutriments bien balancé gardera les poissons en santé et les plans bien vivants.


Entretien

Une fois bien en marche, le système demande peu de maintenance. Visez la régularité!
  • Nourrir les poissons tous les jours (granulés)
  • Entretenir les semis toutes les semaines (environ une heure)
  • Garder le système à l’œil (assurer son fonctionnement qutodiennement)

Quels poissons choisir?

  • Pour manger: perches, carpes, tanches, achigan, tilapia (le plus communément utilisé en aquaponie)…
  • Pour faire joli: n’importe quel poisson attrayant!
  • Pour se compliquer la vie: les salmonidés. Ils sont plus exigeants quant à la qualité de l’eau et plus vulnérables aux maladies. Dans ce cas, on préfère les réservoirs indépendants.
  • Pour diversifier: des crevettes et des écrevisses, par exemple.

Les alevins peuvent être autoproduits, mais c’est assez complexe. Mieux vaut s’approvisionner chez un pisciculteur.

Choisir ses végétaux

  • Pour démarrer le système: légumes verts, herbes fraîches, laitues... à croissance rapide et robustes.
  • Pour un système mature: le choix est vaste. Tomates, fraises, poivrons, concombres, aubergines, melons, gingembre, fleurs... (consulter un expert).

Vous pouvez reproduire vos semences vous-même!

Un reportage de Unpointcinq qui résume comment faire un système chez-soi 

Pour une production commerciale, il faut un permis de la MAPAQ.

En savoir plus

Se former