Le projet Karine- O'Cain porte ce nom pour rendre hommage à une militante décédée du cancer qui était très engagée auprès des organismes mauriciens COMSEP et ECOF. Il a été construit dans un quartier populaire de Trois-Rivières, à l’emplacement d’un bâtiment qui avait brûlé en 2004. C’est un projet à vocation sociale puisqu’il accueille principalement des personnes seules et offre des loyers abordables. Alors que l’OMHTR voulait faire de ce projet une vitrine du développement durable et y implanter des technologies difficiles à rentabiliser, le système de pointage LEED a donné un cadre de référence intelligent et réaliste qui a permis d’investir les efforts là où ils seraient les plus payants. Le menu écologique du projet initial a ainsi été dégraissé sans pour autant nuire aux objectifs environnementaux visés qui ont été atteints avec des investissements moindres que ceux prévus au départ. L’immeuble a finalement été conçu par l’architecte Daniel Bédard en collaboration avec le service technique de la Société d’habitation du Québec (SHQ) et ce, avec un budget total de près de 800 000$.

 
 
Un processus de conception novateur
Pour être certain que les soumissionnaires qui remporteraient l’appel d’offre sachent dans quel type de projet ils mettaient les pieds, l’OMHTR a organisé une réunion avec tous les entrepreneurs qui souhaitaient répondre à l’appel d’offre avant qu’ils ne remettent leurs dossiers. Ainsi, ceux qui ont répondu savaient exactement dans quoi ils s’embarquaient et comprenaient la philosophie du projet : cela a évité bien des méprises et a permis que le projet parte sur de bonnes bases. De plus, les professionnels ont été réunis pour participer à une « charrette de conception » qui a permis de mettre les compétences de chacun à profit pour la conception du projet et a suscité l’enthousiasme de l’équipe. La plupart des points LEED peuvent être obtenus relativement facilement avec des bonnes idées de conception. Par contre, une fois la conception finalisée, cela devient plus difficile. Il est même démontré que le temps supplémentaire que nécessite une charrette est récupéré dans la phase de coordination du projet puisque le projet nécessite alors moins de suivis, d’ajustement ou de rectifications. L’étape de la charrette est donc très importante, même si ce processus novateur reste encore trop rarement mis en place.
 

Localisation : la proximité des services rend les occupants moins dépendants de leur voiture.
Le projet a en effet raflé la totalité des 10 points accordés dans la catégorie « emplacements et liaisons » de LEED. Ces points récompensent les projets qui ont un emplacement proche de services essentiels comme une épicerie, des écoles, des services médicaux, etc. À quoi servirait d’habiter une maison écologique s’il fallait prendre sa voiture pour aller chercher la moindre pinte de lait ?!
 

Efficacité énergétique : une cote Energuide de 84, un score peu courant, même pour les projets LEED!
Le projet n’a pas à rougir de ne pas encore avoir obtenu la certification Novoclimat (la demande est encore en cours vu qu’elle a prit du retard à cause d’une technicité) : sa cote Energuide est de 84 alors que la plupart des projets Novoclimat obtiennent une cote de 76 à 78. Pour parvenir à ce haut niveau d’efficacité énergétique, le projet a d’abord opté pour une conception solaire passive avec un maximum de fenestration au sud et un minimum au nord.
Image : modules solaires thermiques sur le toit de l'immeuble certifié. © Céline Lecomte

Ensuite, il a misé sur une étanchéité hors pair, une bonne isolation et un ventilateur récupérateur de chaleur à très haute performance. De plus, des panneaux solaires thermiques sont aussi installés sur le toit de l’édifice pour fournir de l’eau chaude aux résidents et une partie du chauffage (par chauffage radiant). Enfin, chose rare, le projet a obtenu le point LEED attribué pour l’isolation des tuyaux d’eau chaude au niveau R4. Cette petite action peut sembler simple mais elle est souvent laissée tombée par la plupart des constructeurs qui font certifier un de leurs projets LEED car c’est une pratique peu courante qui nécessite un plombier : le coût des métèriaux est peu élevé mais c’est le coût de la main d’œuvre qui fait vite monter la facture.

Image : test d'infiltrométrie réalisé pour le projet. © Céline Lecomte

La qualité de l’air était une des préoccupations majeures de l’équipe pour préserver la santé des occupants.

Ainsi, des matériaux sains à faibles émissions de composés organiques volatils (COV) ont été privilégiés. Par exemple, une partie des revêtements de sols sont certifiés FloorScore® , fabriqués à base de maïs et de matériaux récupérés (Biostride de Armstrong). Par ailleurs, les comptoirs et les armoires de cuisine et de salle de bain sont composés de panneaux de particules sans urée formaldéhyde ajoutée (NU Green® de Uniboard). L’OMH a même découvert que ce produit a un prix concurrentiel par rapport aux armoires de cuisine habituellement installées dans ses projets : un gros plus quand on sait que la majorité des COV qui se retrouve dans l’air ambiant d’une habitation provient des panneaux de bois aggloméré, le composant principalement utilisé dans la fabrication des armoires de cuisine et de salle de bain. Qui plus est, des appareils très efficaces de ventilation sont aussi installés sur le projet. Par exemple, le filtre à air choisi pour le VRC est de niveau MERV 13 ce qui dépasse de loin les standards habituels, même des projets LEED, qui tournent plus couramment autour de MERV 8. Des panneaux Sonopan® ont aussi été installés pour insonoriser les logements.

Récupération de matériaux et gestion des déchets de chantier : un cas exemplaire 

95% des déchets de chantier ont été détournés des sites d’enfouissement. De plus, de nombreux matériaux à contenu recyclé ont été utilisés à commencer par l’isolant en ouate de cellulose fabriqué à partir de papiers journaux recyclés et ignifugés au sel de bore. Le projet a même obtenu un point LEED pour avoir réutilisé la fondation du bâtiment précédent qui avait brûlé en 2004 : cela ne s’était jamais fait pour aucun projet LEED. Après analyses, il s’est avéré que la structure de cette fondation avait toutes les caractéristiques adéquates pour pouvoir être réutilisée. Ce choix judicieux a permis d’éviter de recouler une nouvelle fondation en béton qui aurait généré à elle seule plusieurs tonnes de gaz à effet de serre.
Image : murs isolés à la cellulose. © Céline Lecomte
Retour sur investissement prometteur
Selon Roger Joseph, Directeur des services immobiliers de l’OMHTR, même si le coût global du projet est supérieur à un projet classique, le retour sur investissement pourrait valoir la peine puisque les coûts de chauffage sont assumés à 95% par l’OMHTR et que ce projet devrait consommer en moyenne 30 ou 40% moins qu’une habitation standard. Les occupants sont aussi moins amenés à partir s’ils se plaisent dans leur logement, savent que la qualité d’air y est bonne, qu’ils réduisent leur consommation d’eau et d’énergie, etc. Cela peut se traduire par des coûts de gestion en moins à assumer pour l’OMHTR pour trouver des nouveaux occupants. Enfin l’équipe du projet est maintenant forte de cette première expérience LEED et sera outillée pour prendre en charge d’autres projets du même type. D’ailleurs un prochain projet de 27 unités de logements couplé avec des bureaux est en train de voir le jour et visera aussi la certification LEED Canada pour les habitations… Un concept qui fait des petits à Trois-Rivières !