Alors même que les grands enjeux environnementaux devraient être au coeur des débats (la survie du genre humain en dépend...) ils en sont dramatiquement absents, ainsi que l’ont récemment déploré huit groupes écologistes québécois. Nous avons choisi de plonger dans les plateformes électorales, d’extraire et d’analyser les propositions environnementales des six partis en lice concernant l’habitation, l’aménagement du territoire, les énergies et les transports. A vous de lire... et de choisir.

Les propositions des principaux six partis en lice (habitation, aménagement du territoire, énergies et transports)

Les engagements des partis en matière d’environnement se déclinent en sept principales propositions, résumées dans le tableau ci-dessous. Une description plus détaillée des propositions et de leurs points positifs et négatifs pour chaque parti suit. Il est à noter que seul le Parti libéral n’a pas publié de plateforme pour cette campagne, préférant faire une annonce par jour ; notre analyse porte donc sur les annonces faites en date du 12 août.

Propositions

CAQ

ON

PLQ

PQ

PVQ

QS

Augmenter les exigences du Code du bâtiment en matière d’efficacité énergétique

x

 

 

 

x

x

Créer un crédit d’impôt ou autre incitatif pour la rénovation résidentielle

 

 

x

 

 

x

Favoriser un urbanisme écologique (augmenter la densité et promouvoir les transports en commun)                                                   

x

 

 

 

x

 

Développer les ressources énergétiques renouvelables (par exemple : éolien, biomasse, solaire)

x

x

 

x

x

x

Refuser d’exploiter les ressources d’énergie fossile sur le territoire québécois (gaz de schiste et pétrole)

 

 

 

 

x

x

Électrifier et développer les transports en commun

x

x

 

x

x

x

Établir une cible de réduction des GES par rapport au niveau de 1990, d’ici 2020

-25%

 

 

-25%

 

-40%

 

Notre analyse, parti par parti (habitation, aménagement du territoire, énergies et transports)

Parti libéral du Québec

PLQ

Le + : un crédit d’impôt en faveur de la rénovation verte

Le crédit d’impôt à la rénovation nous semble être généralement une bonne chose : il fournit de l’emploi dans le domaine de la rénovation verte, il limite le travail au noir, et améliore le bilan énergétique des résidences. Ce crédit sera de 20% des dépenses admissibles, jusqu’à concurrence de 3000$, et les travaux devront être effectués par un entrepreneur reconnu.

Le - : une proposition unique et très incomplète

La liste des projets qui sont admissibles au crédit d’impôt décrit ci-dessus comporte plusieurs lacunes. Le remplacement de toilettes et d’éviers sera admissible : mais y a-t-il un seuil d’efficacité minimum? De plus, changer l’évier n’aura aucun impact sur la consommation d’eau, puisque c’est le robinet qui détermine la quantité d’eau utilisée. Le remplacement d’un air climatisé central fait aussi partie de la liste, sans mentionner que le nouvel équipement doit être plus efficace… et dans un climat comme celui du Québec, l’air climatisé est souvent une dépense énergétique inutile! Bref, il faudrait ajouter des précisions à la liste, et éliminer certaines dépenses.

Finalement, où est le reste des engagements pour l’environnement? Une seule proposition, cela nous semble bien peu…

 

Parti québécois

PQ

Le + : 30% des bâtiments publics construits en bois

Le PQ propose que 30% des nouveaux bâtiments publics soient nécessairement construits en bois. Une bonne idée, car le bois peut être produit localement, et demande beaucoup moins d’énergie pour sa transformation que l’acier.

Il est aussi question d’électrifier les transports collectifs et la flotte de véhicules publics et commerciaux, en plus de développer le réseau de transport en commun. Le PQ fixe la cible de réduction de GES à 25% sous le niveau de 1990 d’ici 2020.

Le - : du pétrole, et rien sur l’urbanisme...

Le développement des ressources en énergie inclut le pétrole, ce qui nous semble incompatible avec la cible de réduction de GES de 25%. Il n’y a pas de propositions pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, ni pour développer des villes denses conçues pour les déplacements actifs ou en transports en commun… bref, plusieurs de nos mesures de développement durable préférées sont absentes!

 

Coalition avenir Québec

CAQ
CAQ

Le + : des mesures concrètes en faveur de l’efficacité énergétique

La CAQ propose des mesures concrètes : l’amélioration des exigences du Code du bâtiment, l’établissement d’un guichet unique pour tous les programmes d’efficacité énergétique, un incitatif monétaire pour l’achat d’un véhicule électrique, hybride ou à faible consommation d’essence, un programme de rachat de l’électricité produite par les consommateurs (par exemple, grâce aux panneaux photovoltaïques). On aime aussi l’idée de mettre sur pied un programme de crédits verts permettant aux sociétés de transport utilisant des véhicules de transport collectif peu polluants de bénéficier d’économies.

Le - : trop d’emphase sur l’hydroélectricité

À en croire la CAQ, l’hydroélectricité au Québec a un « potentiel de développement extraordinaire ». C’était peut-être vrai en 1960, mais en 2012, nous avons harnaché pratiquement toutes les rivières exploitables de la province. Plusieurs ont émis des doutes sur la rentabilité du dernier gros projet d’Hydro-Québec, le complexe de la Romaine, surtout lorsqu’on sait que des projets d’efficacité énergétiques permettraient d’éviter la construction de nouvelles centrales, et à coûts moindres...

Et puisque la CAQ mise principalement sur l’hydroélectricité pour fournir l’énergie nécessaire aux Québécois, les autres énergies renouvelables sont un peu mises de côté. On propose de miser sur la biométhanisation, l’éthanol produit à base de résidus forestiers et agricoles, la biomasse pour remplacer le mazout et la géothermie pour les bâtiments résidentiels. Toutefois, l’énergie solaire est totalement absente de la stratégie de la CAQ, bien que le potentiel solaire du Québec ait été démontré à répétition. Nous pensons également que la géothermie n’est pas la solution la plus économique, particulièrement pour les bâtiments de petite superficie (moins de 3000 pieds carrés). La CAQ veut aussi exploiter les hydrocarbures dans le Saint-Laurent, ce qui nous semble incompatible avec sa cible de réductions de GES.

 

Option nationale

ON

Le + :  l’évaluation environnementale

ON veut exploiter toutes les filières énergétiques (incluant «l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, l’énergie solaire, la biomasse, l’hydrogène (sic), la géothermie et les hydrocarbures») et de faire des impacts environnementaux le principal critère d’évaluation. ON propose la construction d’un monorail suspendu afin de relier les principaux centres urbains du Québec.

Le - : un programme très limité

ON promet de financer massivement la recherche en électrification des transports collectifs et individuels… alors que des voitures électriques sont déjà facilement disponibles sur le marché et que le Québec exporte depuis des décennies ses trains électriques partout sur la planète! Il est temps d’arrêter de chercher, et d’agir plutôt. Notons aussi que l’hydrogène... n’est pas une source d’énergie, mais plutôt un mode d’entreposage, puisque la production d’hydrogène nécessite plus d’énergie que l’hydrogène n’en libère lors de sa combustion.

Le programme d’ON est donc très limité en matière d’environnement, puisque ses deux seules proposition sont l’électrification des transports et l’exploitation d’énergies renouvelables (en incluant... les hydrocarbures!)

 

Parti vert du Québec

PVQ

Le + : un programme environnemental extrêmement détaillé

La plateforme du Parti vert du Québec est, comme nous nous y attendions, très complète. Elle comporte une section pour l’énergie, une autre sur le transport, une sur l’aménagement du territoire et finalement une dernière sur la gestion des déchets. Il n’y a vraiment que le PVQ pour écrire une page complète d’engagements sur la gestion des déchets… ce que nous saluons. Il y est notamment question de l’économie circulaire, un concept très prometteur qui vise à ce que tous nos déchets deviennent des ressources (vous pouvez consulter le site de la Fondation Ellen MacArthur pour plus d’information).

Le PVQ s’engage à améliorer les exigences en efficacité énergétique du Code du bâtiment, à développer l’énergie éolienne pour atteindre 15% de la production provinciale, à réduire le prix des transports en commun de 50% et à développer le transport en commun interurbain.

Le PVQ souhaite favoriser le développement de quartiers de moyenne densité (qui facilitent les transports en commun tout en étant agréables pour ceux qui y vivent) et y promouvoir la mixité des fonctions. C’est le seul parti qui semble vraiment comprendre l’importance des milieux urbains pour réduire notre dépendance à l’automobile!

Le - : des objectifs trop nombreux et peu chiffrés

Les objectifs du Parti vert du Québec ne sont pas toujours très réalistes... entre autres parce qu’ils sont trop nombreux. Peut-être est-il préférable de se fixer des objectifs réalistes à court et moyen terme, plutôt que de viser une révolution dans un seul mandat. Certains objectifs sont aussi questionnables, comme le fait d'atteindre 15% de la production énergétique avec l’éolien ; ces projets déclenchent souvent de vigoureux débats dans les communautés où ils souhaitent s’implanter, et d’autres énergies seraient peut-être plus acceptées, surtout en milieu urbain (le solaire!). De plus, il est très peu question du coûts de ces mesures.

Certaines erreurs techniques se sont glissées dans le programme du PVQ : par exemple, l’énergie solaire thermique est considérée comme « passive » alors que le photovoltaïque serait une énergie active. On parle d’un système passif lorsque l’énergie est récoltée sans l’intervention de pièces mécaniques mobiles (les panneaux solaires). Or l’énergie solaire thermique a bel et bien recours aux panneaux solaires...

 

Québec solidaire

QS

Le + : des objectifs précis et chiffrés

Québec solidaire chiffre ses objectifs en matière d’efficacité énergétique des bâtiments et de transports en commun : doubler les dépenses en efficacité énergétique et dépenser 5 milliards de dollars sur 5 ans pour le développement des transports en commun (par rapport à 2 milliards entre 2007 et 2012). De plus, QS souhaite améliorer les exigences du Code du bâtiment, non seulement pour les résidences, mais aussi pour les bâtiments commerciaux et institutionnels. Également, les hydrocarbures sont exclus du cocktail énergétique québécois. Finalement, QS mise sur l’amélioration et l’électrification des transports en commun, et se garde d’encourager l’achat de véhicules personnels même s’ils sont peu énergivores ou électriques.

Le - : rien sur la question de la densité urbaine

Certains objectifs nous semblent extrêmement ambitieux, comme de viser la gratuité du transport en commun d’ici 10 ans. D’autres sont plutôt vagues; doubler les dépenses en efficacité énergétique servira-t-il à investir dans des bâtiments publics ou plutôt à offrir des incitatifs monétaires aux particuliers qui souhaitent améliorer leur résidence? D’autre part, l’importance de l’aménagement du territoire (à l’exception de la protection des milieux naturels) est passée sous silence. Investir dans les transports en commun, c’est bien, mais peut-être vaudrait-il mieux construire des villes plus compactes avant d’injecter d’aussi grosses sommes d’argent pour desservir des quartiers isolés!

 

Notre conclusion

Sans surprise, les deux partis les plus engagés en matière de protection de l'environnement et d’amélioration du cadre de vie sont le Parti vert du Québec et Québec solidaire. Coalition avenir Québec avance des propositions intéressantes pour le renforcement de l’efficacité énergétique. Mais nous regrettons que l'aménagement du territoire soit aussi peu présent dans les programmes, et incitons les électeurs à faire pression sur leur parti préféré pour que ces enjeux remontent à la surface!