Prendre soin de la qualité de l’air que l’on respire va de soi lorsqu'on sait qu’on passe en moyenne 75% de notre temps à l’intérieur. Contrairement à ce beaucoup d’entre nous croient, l’air intérieur est souvent plus pollué que l’air extérieur. Les multiples produits et objets présents dans nos maisons sont en cause:  détergents et nettoyants, peintures, colles, teintures des tissus, etc.

Qu'en est-il des parfums que nous utilisons pour masquer les mauvaises odeurs? Qui n’a pas déjà été aux prises avec une désagréable odeur de friture ou persistante odeur de poisson… La popularité grandissante des parfums d’ambiance est compréhensible. Plus de 72% des Américains les utilisent au moins une fois par semaine [1]! Par contre, connaissez-vous les substances que vous libérez dans l'air intérieur de votre maison lorsque vous utilisez un vaporisateur, une chandelle parfumée ou encore un diffuseur? Attention, ça ne sent pas bon tout ça!

Un parfum d’ambiance, c’est quoi au juste?

Un parfum d’ambiance est un produit de consommation qui émet une fragrance dans l’air intérieur afin de créer une ambiance ou de masquer une (des) odeur(s). On compte une multitude de produits différents sous de diverses formes: vaporisateurs (par exemple Febreze), gels, huiles, liquides, solides, à suspendre, potpourri, diffuseurs (Air-wick, Glade, etc) et chandelles parfumées.

Et de nouveaux produits font constamment leur apparition sur le marché mondial. Certains produits sont mêmes utilisés en combinaison avec les systèmes de chauffage, de ventilation ou d’air conditionné!

Je n’utilise jamais ce type de produits, je suis donc à l’abri de ses effets nocifs sur la santé

Humm, ce n'est pas si certain! Sournois, ces produits ne se limitent plus à l'utilisation domestique. On les retrouve maintenant sur les lieux de travail, les espaces commerciaux et lieux publics comme les magasins, les restaurants, les salles d’entrainement, les salles d’attente, mais aussi dans les transports, en avion, les taxis, les trains et même dans certains espaces institutionnels comme les écoles, les hôpitaux. Et ce, le plus souvent à notre insu!

Pour vous donner un ordre d’idée, le marché global pour ce type de produits correspond à plus de 10 milliards de dollars américains! Et ce marché est en constante évolution. L’Europe et l’Asie en sont particulièrement friandes. En Corée, on note une croissance de l’utilisation de ces produits de 8,8% chaque année [2]!

Quelles substances se cachent dans les parfums d'ambiance?

Lors de tests en chambre pour évaluer les émissions produites par ce type de produits, une étude allemande [3] a recensé pas moins de 14 différents composés organiques volatils (COV) après une heure de diffusion. Même constat alarmant lors d’une étude menée aux États-Unis. Tous les produits testés émettaient au moins un type de COV, et qui plus est, un quart de ces COV figurent sur la liste des substances potentiellement toxiques selon les lois américaines [4].

Vous croyez être à l'abri avec des produits naturels? Attention à ces appellations: 85% des produits dits « naturels » ou « sans parfum » émettent aussi des phthalates, un COV bien connu [3]. Et il semble que tous les types de parfum d’ambiance, que ce soit à vaporiser, en gel, solide, les huiles, en cartouche, diffuseurs et évaporateurs ont le potentiel d’en émettre plusieurs COV. Et ces substances, les phthalates, l’acetaldehyde ou encore les particules ultrafines, formaldéhyde et 1,4 dichlorobenzene, sont bien connus des chercheurs sur la santé humaine.

Les chandelles parfumées sont une source de pollution intérieure
Les chandelles parfumées sont habituellement une source de pollution de l'ar intérieur                              photo   Snejina NIkolova

Quels sont les principaux effets sur la santé?

Être en présence de parfums d’ambiance nous expose à une source de pollution directe de l’air intérieur. Même à petites doses, ces produits contiennent des substances nocives pour la santé humaine et peuvent provoquer les effets suivants; migraines, asthme, difficultés respiratoires, diarrhée et problèmes aux oreilles chez les enfants, voire même des désordres neurologiques, cardiaques (fibrillation ventriculaire), respiratoires, du système reproducteur, immunitaire et endocrinien et le cancer chez l’homme [5].

Deux études [6] réalisées sur des Américains et des Australiens (échantillons représentatifs) ont rapporté que l’exposition aux parfums d’intérieur et désodorisants causait des problèmes respiratoires chez plus de 9% d'entre eux et entre 7% à 4% des maux de tête.

En entrevue, Mme Steinemann, auteure de l’étude australienne, a précisé que le formaldéhyde est connu pour causer l’irritation des yeux, du nez et de la gorge, et peut provoquer la toux, des éternuements, des bronchites et des étourdissements [7]. Malheureusement, le formaldéhyde ne se retrouve pas seulement dans les parfums d’intérieur, mais dans une multitude de produits et d’objets du quotidien comme les peintures et vernis, la colle des bois aggloméré (MDF, mélamine) et plusieurs autres. 

Des compagnies qui vaporisent un nuage d’information flou et surtout incomplet 

La liste des constituants des parfums d’ambiance peut être longue, très longue. Faire la liste de toutes les composantes s’avère une tâche ardue d’autant plus que les compagnies gardent très jalousement secrète la composition de leurs produits. Et le tout est malheureusement, légal! Aucune législation connue, dans tous les pays par ailleurs, n'oblige les fabricants de parfums d’ambiance à déclarer la liste entière de leurs composantes.

Au Canada, le fabricant de ce type de produits est tenu d’apposer sur son produit une étiquette qui dévoile les possibles risques immédiats sur la santé, comme des irritations cutanées ou des yeux, risques d’empoisonnement ou encore de feu et d’explosions (dus à l'emballage sous vide) [8]. Par contre, ils n’ont pas le devoir de dévoiler l’entièreté des ingrédients. En général, seule une fraction peut être identifiée, et il incombe à l’acheteur de contacter le fabricant pour en savoir plus. Encore faut-il que la compagnie soit assez transparente pour bien vouloir partager cette information.

Faites le test! J’ai moi-même essayé de trouver la liste complète des ingrédients d’une bouteille à vaporiser d'un éliminateur d’odeurs pour animaux. Aucune information n’était disponible sur la page produit du site francophone du fabriquant.

J’ai donc contacté le service à la clientèle téléphonique (en anglais), et par ailleurs difficile à trouver. Au moment de rédiger cet article, le site (anglophone), où les fiches de santé et sécurité des produits sont publiés, était inaccessible. C’est assez mince comme information…Et on ne pouvait m’en dire plus au téléphone.

Plusieurs études démontrent qu’un grand pourcentage des composants n’est pas déclaré par le fabricant. Dans une étude comparative sur les composantes déclarées et non déclarées de six parfums d’ambiance, plus de 90% n’étaient pas déclarées et pourtant leur pourcentage dans la formulation était substantielle (plus de 75%) [9].

Qu’en est-il des produits alternatifs, comme l’encens ou les huiles essentielles?

Les encens sont fabriqués à partir de végétaux (écorce d’arbres odorants, fleurs ou résine) que l’on réduit en poudre, et que l'on agglomère parfois avec de la gomme arabique, pour former des cônes ou bâtonnets. Malgré leur origine végétale, plusieurs études révèlent que de nombreux types d’encens émettent de hautes concentrations de COV (benzène, toluène, formaldéhyde, acétaldéhyde, et plusieurs autres…) et il semblerait que ce soit en encore plus grande quantité que les bougies parfumées [10]. La combustion de l’encens représenterait potentiellement des risques aigus, chroniques et  cancérigènes, révèle les résultats de cette étude de INERIS.

Une étude chinoise [11] a constaté que la fumée libérée par deux bâtonnets d’encens testés avait des effets toxiques sur des souris de laboratoire. Tout est histoire de quantité, bien sûr, mais respirer de la fumée, quelle qu’elle soit, reste un risque pour la santé.

Malheureusement, selon Mme Steinemann auteure de l’étude principale, les substances émises par les produits contenant des huiles essentielles sont semblables à celles des parfums d’intérieurs. Les produits avec huiles essentielles testés contenaient au moins une substance classifiée comme toxique selon les lois en vigueur.

En ce qui concerne les huiles essentielles pures, des études antérieures (par exemple Chiu et al., 2009) ont démontré que des COV comme le benzène et le toluène étaient libérés lorsque chauffées à 40°C. Pour ce qui est de l’effet des huiles essentielles utilisées autrement que par diffusion avec combustion (diffuseur), par exemple sur la peau ou dans un bain, plus d’information et de recherches sont nécessaires. Mieux vaut user de prudence lorsque l'on utilise les huiles essentielles [12]. Avant de diffuser une huile essentielle, nous vous conseillons de consulter cette page de Passeport Santé et de visioner en particulier la vidéo qui fait la liste des huiles à ne pas diffuser.

Nos recommandations?

On met la pédale douce sur le Febreze, les Air-wick, les chandelles parfumées et autres parfums d’ambiance de ce monde. Les pires selon nous restent les diffuseurs à brancher de type Air wick ou Glade. En plus de polluer notre air intérieur, ils gaspillent de l'énergie!

L'idéal est de  traiter le problème à la source lorsque possible, aérer, ou recourir à un système de ventilation mécanique. Si vous recherchez l'ambiance que procure un parfum, essayez de raper du zeste d’orange, ou suspendez au pommeau de douche quelques branches de thym ou d’eucalyptus, fraiches ou sèches. J’ai moi-même testé et c’est étonnamment efficace. Une douce odeur sera libérée à chaque fois que vous prendrez une douche.

CC0 Public Domain, Strecosa

Sources

Étude citée en introduction: A. Steineman, Ten questions concerning air fresheners and indoor built environments, Elsevier. 2 (2017) 281

[1] A. Steinemann, Fragranced consumer products: exposures and effects from emissions, Air Qual. Atmos. Health (2016a), http://dx.doi.org/10.1007/s11869-016-0442-z.

[2] Y.R. Jung, H.H. Park, Y.H. Oh, S.G. Kim, J.R. Sohn, S.H. Kim, Y.J. Yu, G.N. Bae, M.G. Kim, Emission characteristics of volatile organic compounds from air freshener using small emission chamber, J. Korean Soc. Environ. Eng. 33 (2010) 183e190.

[3] E. Uhde, N. Schulz, Impact of room fragrance products on indoor air quality, Atmos. Environ. 106 (2015) 492-502.

[4] A. Steinemann, Volatile emissions from common consumer products, Air Qual. Atmos. Health 8 (3) (2015) 273e281 et A. Steinemann, Volatile emissions from common consumer products, Air Qual. Atmos. Health 8 (3) (2015) 273-281.

[5] A. Steineman, Ten questions concerning air fresheners and indoor built environments, Elsevier. 2 (2017)

[6] A. Steinemann, Prevalence of Effects from Fragranced Consumer Products, 2016. Preventive Medicine Reports (accepted) et A. Steinemann, Fragranced consumer products: exposures and effects from emissions, Air Qual. Atmos. Health (2016a), http://dx.doi.org/10.1007/s11869-016-0442-z

[7] http://www.grandparents.com/health-and-wellbeing/health/are-air-fresheners-bad-for-you

[8] http://www.ccohs.ca/oshanswers/hsprograms/scent_free.html

[9] E. Uhde, N. Schulz, Impact of room fragrance products on indoor air quality, Atmos. Environ. 106 (2015) 492-502.

[10] Rapport INERIS-DRC-11-115731-06669B. Classement des bougies et des encens en fonction des émissions de composés organiques volatils et de particules dans l’air intérieur (2011). 70

[11] Zhou, R., An, Q., Pan, X.W. et al. Environ Chem Lett (2015) 13: 465.

[12] Centre Antipoisons sur l'utilisation des huiles essentielles, http://www.centreantipoisons.be/autre/les-huiles-essentielles-sont-elles-dangereuses