Le bois fait partie des matériaux de revêtement extérieur les plus durables, et en boût de ligne, économiques. Original, esthétique et durable, le revêtement de bois carbonisé en est encore à ses balbutiements au Québec, mais la tendance est en plein essor. De quoi s'agit-il? Le bois, généralement des planches de cèdre ou de mélèze, est littéralement brûlé selon une méthode nippone ancestrale appelée Shou-sugi-ban. Ce bois porte le nom de Yakisugi (焼杉板). Pourquoi brûler le bois? Car la pellicule créée par le procédé protège ainsi la planche de tout ce qui peut l’abimer... et le rendu est superbe! Voyez par vous-même.

Le cèdre (sugi en japonais) et le mélèze sont locaux, très résistants à la pourriture et très durables. On les préfère donc au pin, à la pruche, au chêne ou à l’épinette pour un traitement Shou-sugi-ban, surtout pour une application en revêtement extérieur (même si ces essences peuvent aussi être utilisées).

Le bois Yakisugi peut être utilisé à de nombreuses fins: comme revêtement extérieur ou finition intérieure (murs, plafonds, planchers), pour des clôtures, terrasses, meubles, matériaux de décoration…

En revêtement extérieur ou en finition intérieur, on le pose de la même manière qu’un bois classique.

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Produire du bois carbonisé: le procédé

Le processus est assez simple. Les planches de bois sont brûlées de chaque côté sur un lit de braise, ou plus couramment, avec un chalumeau, pendant environ 3 à 10 minutes (selon la technique). L’humidité contenue dans le bois est alors libérée, et le composé chimique qui en résulte s’apparente à celui du diamant. C'est donc très résistant!

À l’aide d’une brosse, les résidus de carbonisation sont retirés, puis le matériau est arrosé avec de l’eau. Une fois la planche sèche, il suffit d’appliquer une huile naturelle qui scelle les pores et offre une belle finition. La nature du bois et la manière de le brûler lui donneront une teinte particulière, variant du gris au noir ébène.

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Découvrez les différentes techniques de carbonisation en vidéo:

Le bois Yakisugi sur le long terme: l'entretien

Si on utilise le bois à l’extérieur (revêtement, clôtures, terrasses), il est conseillé de huiler le bois tous les 15 ans. Il conservera mieux sa couleur ainsi et restera imperméable plus longtemps.

Utilisé comme revêtement à l’intérieur, il ne nécessite aucun entretien. Pour les meubles, l’entretien est le même que pour tout meuble en bois: on traitera une table carbonisée à tous les ans, par exemple.

Des avantages nombreux

  • DURABILITÉ – son espérance de vie est estimée à plus de 80 ans.
  • VIEILLISSEMENT – faible dégradation du bois causé par les intempéries (vent, rayon UV, humidité, eau) grâce au traitement par le feu.
  • CYCLE DE VIE – matière première locale non menacée, renouvelable et biodégradable, aucun produit chimique nécessaire, que des huiles naturelles de qualité supérieure.
  • ESTHÉTIQUE – différents choix de coloration (qui ne change pas à travers le temps) pour un fini haut de gamme, chaleureux et épuré.
  • IMPERMÉABILITÉ – la carbonisation solidifie le bois et l’huile joue le rôle de saturation des pores, ce qui rend la planche imperméable et résistante à la moisissure.
  • RÉSISTANCE AU FEU – propriétés ignifuges.
  • RÉSISTANCE AUX INSECTES – protection contre les nuisibles (les termites et autres insectes détestent le bois brûlé).
  • RENTABILITÉ – nécessite peu ou pas d’entretien, très économique au fil du temps (plus dispendieux à l’achat du fait qu’il s’agit d’un produit fini et non d’un matériau brut). 
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Quelle différence avec le bois torréfié?

Écohabitation a demandé à Daniel Bellerose, président chez Arbres et Bois, de nous expliquer la différence. " Le bois brûlé est calciné en surface et donc mis en présence du feu qui crée une couche de carbone protectrice contre les rayons UV, très néfastes pour le bois. La chaleur modifie par ailleurs la matière ligneuse qui rend le bois résistant à la pourriture. Le bois brûlé continue de contenir un certain pourcentage d'humidité (entre plus ou moins 7 % à 10 %) ce qui lui permet de s'ajuster aux changements de température.

Quant à lui, le bois torréfié est un bois séché au four et amené à zéro pourcent d'humidité. Bien qu'habituellement aussi résistant à la pourriture, le bois torréfié a l'inconvénient de voir sa couleur s'altérer avec le temps et l'entretien est complexe puisque très peu de produits y adhèrent efficacement. Pour avoir fait de la finition de structures en bois extérieures depuis plusieurs années notre entreprise a été confrontée à ce problème à plusieurs reprises!"

Coûts

Le coût du bois carbonisé, prêt à être posé, est d’environ 5 $ le pied carré.

Revêtements extérieurs : Exemples de coûts pour une surface de 1 000 p2 

MATÉRIAUX Coût à l'achat Fréquence d'entretien Coût d’entretien
(matériaux + main d’œuvre)
Durée de vie
Pin blanc 2625 $ 4 ans 975 $ (aux 4 ans) 15 à 25 ans
Cèdre 7125 $ 4 ans 975 $ (aux 4 ans) 20 à 35 ans
Ipé 13 500 $ Annuel 2550 $ (tous les ans) 60 ans +
Yakisugi 8250 $ 10-15 ans 525 $ (aux 10-15 ans) 80 ans +

Moyenne de prix des principaux détaillants québécois.
Source : arbresetbois.com

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Le marché québécois en plein essor: entrevue avec deux manufacturiers

Pour en savoir un peu plus sur ce procédé au style remarquable, Écohabitation a contacté Guillaume Ouellet (G.O), chez Bois brulé - une sous division d’Espace-Bois, une compagnie située à Kamouraska - ainsi que Daniel Bellerose (D.B.), président chez Arbres et Bois, compagnie située à Montréal.   

Comment vous est venue l’idée de créer une ligne de bois brûlé?

(G.O) - Nous avons vu ces techniques qui sont utilisées au Japon depuis longtemps sur Internet. Nous avons fait des test et l'inspiration est tout de suite venue.

(D.B.) - J'ai été initié à la technique du shou-sugi-ban pour la première fois en 1999 alors que j'étais étudiant en études est-asiatiques (spécialité Japon) à l'Université de Montréal. Ce n'est toutefois qu'une dizaine d'année plus tard que j'ai envisagé d'en produire suite à la demande de clients me demandant "un bois sans entretien". 

Avez-vous suivi une formation?

(D.B.) - Je me suis effectivement rendu au Japon avec mon responsable de production, non seulement pour en connaître plus sur les méthodes de production mais surtout pour prendre connaissance de la durabilité et du vieillissement du Yakisugi, et ce dans différents contextes (zone montagneuse et plus froide de Nagano, zone côtière exposée à l'air salin, ruelles urbaines exposées à la pollution, etc.).

Quel procédé utilisez-vous?

(G.O) - Nous brûlons le bois avec une machine inventée conjointement avec un ingénieur. Nous offrons toute sorte d'intensité de brûlage, ce qui permet des teintes variées.

(D.B.) - Différents procédés se déclinant en pourcentage de notre production par 60 % via notre convoyeur/brûleur, 30 % au lance-flamme et10% en cheminée.

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Pourquoi le bois carbonisé n’est pas plus commercialisé au Québec, selon vous?

(G.O) - Parce que ce n'est pas encore connu et que ça nécessite une méthodologie, des connaissances et les outils appropriés.

(D.B.) - Bien que je crois que le bois brûlé est destiné à demeurer un produit de niche/haut de gamme (explicable par les coûts reliés aux procédés), il n'en demeure pas moins que celui-ci gagne à être connu. Et de plus en plus de gens le connaissent! Lorsque notre compagnie a commencé à commercialiser le bois brûlé Yakisugi, nous étions les seuls producteurs de l'est de l'Amérique du nord. Rapidement, nous avons vu de futurs producteurs de bois brûlé nous commander des échantillons et s'informer de nos méthodes de production. Les architectes sont par ailleurs rapidement entrés dans la danse et devenus nos principaux partenaires. Il y a fort à parier que d'ici quelques années le bois calciné se démocratisera....sans pour autant remplacer la brique ou l'aluminium...  

Quels sont les avantages selon vous? Et les désavantages?

(G.O) - Outre les avantages cités dans l’article, il est bon de noter que le bois brûlé peut également être récupéré. La technique japonaise shou sugi ban est un choix optimal pour votre maison!

(D.B.) - Principaux avantages: durabilité, peu ou pas d'entretien, ressource renouvelable et locale, aucune utilisation d'agents chimiques ou polluants.Principal désavantage: le feu n'offre pas nécessairement une immense palette de couleurs alors pour le pastel et les couleurs vives mieux vaut envisager autre chose!

Utilisez-vous du bois récupéré?

(D.B.) - La méthode du shou-sugi-ban est efficace lorsque pratiquée sur un cèdre contenant encore beaucoup de tanin (huile naturelle). Le bois recyclé est donc exclu. Les retailles de même que les planches imparfaites sont utilisées pour faire nos échantillons. Dans les faits, nous avons très peu de retailles, insuffisamment pour la demande en échantillons!

Avez-vous beaucoup de demande?

(G.O) - Oh oui! On a aussi de plus en plus de client professionnels comme des designers, architectes, entrepreneurs, décorateurs, etc.

(D.B.) - Honnêtement, présentement nous peinons à répondre à la demande. Cela s'explique non pas par le nombre de clients, mais par l'ampleur des contrats. Nous faisons par ailleurs pratiquement pas de publicité, mais sommes bien connus depuis quelques années des bureaux d'architectes et de designers québécois... et le bouche-à-oreille fait son oeuvre!

Avez-vous eu du feedback de vos clients?

(G.O) - Les clients adorent. Les commentaires sont excellents!

(D.B.) - Oui plusieurs clients nous ont fait parvenir des photos du résultat final (après installation et la fin des travaux) de leur propre initiative. Jusqu'ici nous pouvons nous vanter de n'avoir eu que des commentaires positifs et nous comptons bien travailler à continuer dans cette voie!

Se procurer du Yakisugi

© shousugiban.com

Il est possible de faire son bois Yakisugi soi-même, manuellement, mais le processus est très long (prévoir trois semaines pour un parement complet).

Aussi, pour obtenir des bois uniformes, il faut être très précis: appliquer la torche à la même vitesse, à la même distance et pendant le même temps sur toutes les planches et brosser les planches identiquement (la quantité de charbon nettoyé changera l’aspect du bois également). Des brûlis inégaux feront ressortir des teintes inégales, pour une finition peu plaisante à l’œil. Sans parler de l'inefficacité énergétique du procédé!

Aussi bien faire affaire avec des experts pour s’assurer du fini:

  • Guillaume ou Vincent, copropriétaires de Bois Brûlé, une division d’Espace-bois 
  • Arbres et bois, une expertise de plus de 15 ans et les premiers producteurs de bois brûlé Yakisugi au Québec (garantie de 60 ans sur leurs produits) 
© CDR Studio Architects
© CDR Studio Architects
© Matsu Accoya, Designer Studio DB (urbantimber.ca)

ÉCOHABITATION VEUT VOTRE AVIS!

Que ce soit en montagne, en ville (présence de pollution urbaine) ou dans des lieux exposés à l’air salin, le Yakisugi a fait ses preuves depuis des décennies au Japon et dans les pays Scandinaves. Mais au Québec, les projets incluant des revêtements extérieurs en bois brûlé sont peu nombreux et assez récents.

Vous avez utilisé un bois Shou-sugi-ban? Écohabitation aimerait connaître votre avis (dans la section commentaire, en fin d’article).