Cet article, écrit par Mike Reynolds de Ecohome ─ notre partenaire anglophone, et co-écrit par Damien Mathis, étudiant au doctorat à l’Université Laval au CIRCERB, a été inspiré par un podcast qu’il a entendu sur Positive Energy, (radio absolument recommandée si vous êtes fan de science du bâtiment). Ce podcast traitait des matériaux à changement de phase dans les bâtiments (MCP) et sur la façon dont ils peuvent y être intégrés pour améliorer l’efficacité énergétique en exploitant une réalité physique naturelle: l'énergie latente.

Cloison intérieure à changement de phase © Thermal Core

Il y a de cela quelques années, sortait sur le marché un nouveau panneau de gypse à changement de phase qui semblait prometteur: le Thermal Core. Mais il n’a pas fait fureur sur les marchés. Pourtant, le concept est intéressant. Découvrons pourquoi...

Le Thermal Core est une cloison sèche qui contient des capsules acryliques microscopiques d’une substance appelée Micronal, une cire de paraffine qui fond à une température de 23°C (changement de la phase solide vers la phase liquide). Lors de ce changement d'état physique, les billes absorbent l’énergie contenue dans l’air (la chaleur).

En théorie, c'est donc un matériau très intéressant à avoir dans un bâtiment car la chaleur disponible au-delà de 23°C sera stockée dans le panneau, qui agit dès lors comme une masse thermique. Il y a malheureusement très peu d’informations sur le produit et il est difficile d’estimer sa performance ou sa rentabilité. Ce matériau a donné lieu à des études scientifiques mais n’a pas su conquérir les marchés. Une piste pour expliquer cela est que son intégration n’est pas si aisée. Pourquoi?

Le procédé physique en bref: étonnant!

Lorsque le panneau atteint la température de 23°C, les perles Micronal, passent de la phase solide à liquide: c’est la fusion. Ce processus absorbe de la chaleur contenue dans l’air de la maison, empêchant la température de monter. Pas de risque que ça coule hors du panneau, les perles Micronal sont constituées de paraffine microencapsulée pour endiguer tout phénomène de fuite. Beaucoup de chaleur peut être stockée grâce à ce processus, et le mur ne devient pas plus chaud au toucher: l’énergie est stockée sous forme de... liaisons moléculaires.

Et, rassurez-vous, le mur ne devient pas plus chaud au toucher ; l’énergie est emmagasinée sous forme latente dans le matériau à changement de phase. Ceci devrait donc aider à équilibrer la température ambiante, ou du moins réduire, sinon éliminer, les besoins de climatisation, sans nécessité d’apport énergétique.

Comprendre les changements de phase (c'est pas si compliqué)

La chaleur est une mesure de l'activité interne des molécules. Au-dessus du zéro absolu ( – 273,15 ° C ) toutes les molécules se déplacent, vibrent et oscillent. Ce que nous appelons « température » est une mesure de ces mouvements. Plus la température augmente, plus les molécules ont tendance à se déplacer.

Les MCP peuvent garder les maisons plus confortables en réduisant les écarts entre les hautes et basses températures sur cycle quotidien © Mindset Online


Un matériau est caractérisé comme « matériau à changement de phase » lorsqu’une de ses transitions de phase permet de stocker beaucoup d’énergie. Dans le domaine du batiment, cette transition est le plus souvent solide/liquide. La fusion est un processus qui stocke de l’énergie: pour fondre, un matériau doit voir certaines de ses liaisons moléculaires brisées et cela nécessite un apport d’énergie. Au contraire, lors de la solidification, le matériau relâche un surplus d’énergie, ce qui fait que ses molécules se déplacent moins et peuvent ainsi recréer des liaisons. Durant le changement de phase, la température reste constante.

La fusion absorbe de l’énergie, donc refroidit l’air ambiant. Au contraire, la solidification restitue cette énergie. Le principe des matériaux de construction à changement de phase est de tirer profit de ce processus.

En été, le matériau à changement de phase pourra, durant la journée, absorber un excès d’énergie dans votre maison et ainsi éviter la surchauffe. Une première application est donc de réduire voire d’éliminer le besoin en climatisation. L’important est que le matériau se solidifie pendant la nuit afin qu’il puisse recommencer un cycle le lendemain. Pour ce faire, suivant le climat, et la saison, il peut être nécessaire de ventiler le bâtiment. Ce n’est pas toujours une solution fonctionnelle, comme dans le cas de tours à bureaux où il est impossible d’ouvrir les fenêtres, où lors de canicules...

Dans ce cas, le changement de phase apporte au moins la possibilité de reporter les besoins de refroidissement à des heures creuses. Intéressant, non? En déplaçant la charge de refroidissement hors des périodes de pointe, vous supprimez une grande partie du fardeau lors des périodes de haute demande. Dans les provinces où les besoins fluctuent énormément, vous pouvez ainsi réduire considérablement les coûts en déplaçant les besoins de climatisation la nuit.

Au contraire dans les saisons froides, le matériau pourrait réduire votre facture de chauffage... Si, si! Durant la journée, il stockera de l’énergie qui sera relâchée progressivement durant la nuit: l’appoint en chauffage est limité.

En bref, les matériaux à changement de phase améliorent le confort thermique puisqu’ils réduisent les fluctuations de température au sein d’un bâtiment et permettent d’avoir des murs dont la température reste proche de la température de confort.

À quand l'adoption des MCP sur le marché?

Le succès de l’efficacité d’un matériau à changement de phase réside dans sa bonne intégration. Beaucoup de paramètres sont à considérer: le climat, l’architecture du bâtiment, la température de changement de phase, la quantité, la stratégie de ventilation… et le coût bien sûr!

De fait, il y a peu de technologies de ce type disponibles sur le marché à l’heure actuelle. Dans le climat québécois, les essais sont quasi-inexistants. Le CIRCERB (Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois) de l'Université Laval, s'illustre en la matière, en partenariat avec FPInnovations, un grand centre de recherche scientifique spécialisé dans la création de solutions à vocation scientifique soutenant la compétitivité à l’échelle mondiale du secteur forestier canadien. Damien Mathis, qui est étudiant au doctorat au CIRCERB, est présentement en train de travailler sur ce sujet. Il a récemment formulé des panneaux intérieurs en bois qui contiennent des matériaux à changement de phase biosourcés. D'origine végétale, vous avez bien compris! En effet, de nouveaux matériaux à base d’acides gras et de dérivés, issus de végétaux, permettent un stockage important de chaleur pour des températures de changement de phase adaptées. Damien Mathis réalise présentement des essais pour étudier l’efficacité de tels matériaux en climat québécois.

Composition des panneaux intérieurs en bois qui contiennent des matériaux à changement de phase biosourcés conçus par Damien Mathis. © Damien Mathis

L’idée même de garder un bâtiment à température ambiante quasi-constante, peu importe la saison, est en quelque sorte une bataille acharnée contre les lois de la physique. On ne peut changer ou briser ces lois, mais nous pouvons toujours tenter de les utiliser à notre avantage! 

À suivre donc...

En attendant, pour en savoir plus sur ce phénomène prometteur: