En quoi consistent les eaux grises ?

On regroupe sous l’appellation « eaux grises » ou « eaux usées » toutes les sources d’eau domestique souillée à l’exclusion de la chasse d’eau des toilettes. Le terme peut donc inclure l’eau drainée des lavabos, la douche et la machine à laver (généralement pas les eaux issues de l'évier de cuisine, ni du lave-vaisselle, contenant graisses et matières organiques) . Ces sources peuvent représenter plus de 150 litres d’eau par personne et par jour pour un citadin québécois moyen. C’est dire que plus de 600 litres d’eau grise par jour––220 000 litres par année––sont envoyés au réseau d’égouts des villes du Québec pour chaque logement du territoire, en moyenne. En dix ans, c’est l’équivalent d’une piscine olympique, pour chaque ménage québécois !

Tout comme les déchets recyclés ont une valeur monétaire significative, l’eau grise jouit d’un potentiel considérable. « Les déchets doivent être considérés comme une ressource et leur gestion devrait être holistique et faire partie des ressources hydriques, des flux de nutriments et de l’assainissement intégrées. » Programme hydrologique international de l’UNESCO.

À noter que cet énoncé, qui concerne la gestion des ressources en eau, s’applique également aux autres formes de déchets, allant des restes de table jusqu’aux ramas de composantes électroniques désuètes. Le document cité ajoute ensuite : « (…) les entrées devraient être réduites pour promouvoir l’efficacité et la sécurité de l’eau et de l’environnement ; l’exportation de déchets devrait être réduite pour promouvoir l’efficacité et éviter de répandre la pollution ; les eaux grises devraient être recyclées et ajoutées au budget en eau. »

La consommation de l’eau dans une résidence typique, par activité
La consommation de l’eau dans une résidence. Sur cette figure, l’eau grise est constituée de toutes ces sources, mise à part la toilette. On note que l’eau issue du bain et des douches correspond à la demande totale en eau pour la chasse des toilettes !                            Environnement Canada

La collecte de l’eau grise nécessite une tuyauterie séparée, rendant obligatoire l’installation d’une double canalisation à travers le bâtiment. Il est donc plus économique de concevoir ces systèmes lors de la construction d’un bâtiment.  Il faut ensuite la filtrer pour enlever les plus grosses particules et la remiser jusqu’à son utilisation.

Après quelques années où il n'était plus possible de trouver sur le marché québécois de système de collecte et de traitement des eaux grises, la compagnie Aquartis a lancé son propre système.

Que contient l’eau grise ?

Bien que normalement considérées comme plutôt inoffensives, considérant leur faible taux de matières fécales, les autorités publiques considèrent habituellement les eaux grises comme un danger potentiel.[1]

L’eau grise constitue une soupe insalubre formée de tout ce que rejette l’humain en se lavant, en cuisinant ou en faisant la lessive : elle peut contenir des traces de poussières, de la nourriture, des graisses, des cheveux, des détergents et autres produits nettoyants, des fibres de vêtements (en particulier si vos eaux grises récoltent l’eau de lessive) de même qu’une faible part de matières fécales qui contaminent l’eau au moment du lavage des mains, de la prise de bains ou douches et du lavage de vêtements, le cas échéant.

D’une manière générale, tout ce qui peut filer vers le renvoi des lavabos de salle de bain, de la douche et éventuellement de la machine à laver se retrouvera dans vos eaux grises et participera à boucher votre système de filtration. Il est donc essentiel que les filtres les plus grossiers, la première ligne de défense contre les canalisations obstruées, soient nombreux et facilement accessibles. Ils doivent absolument être nettoyés sur une base régulière. Idéalement, considérant le niveau d'entretien requis pour garder le système fonctionnel, fiez-vous aux systèmes commerciaux et aux technologies déjà disponibles sur le marché plutôt que de réinventer la roue !

« Les conditions marquées par des niveaux élevés de carbone biodégradable et des températures douces, comme celles qui règnent souvent dans les réservoirs d'eaux recyclées, peuvent permettre aux agents pathogènes opportunistes comme Pseudomonas aeruginosa et Aeromonas spp. de se multiplier. Il a par ailleurs été établi que les biofilms qui se forment dans les conduites d'eau constituent des milieux propices à la prolifération de Legionella spp. et de Mycobacterium avium. »[2] La baignoire et la douche sont la principale source de coliformes, pouvant contenir entre 250 et 180 000 000 unités par 100 ml d’eau grise.[3]

La récupération des eaux grises de la cuisine                                                                                                                 photo  Catt Liu

Ne jamais perdre de vue, donc, le danger potentiel que représentent les eaux grises. « Bien qu'un traitement efficace puisse produire des eaux domestiques recyclées pratiquement débarrassées de tout microorganisme pathogène, un petit nombre de ceux-ci peuvent survivre et poser un certain risque, comme lors de jonctions fautives accidentelles entre le système de recyclage et le réseau d'approvisionnement en eau potable. Cela peut mener à l'ingestion d'eau contenant des agents entéropathogènes » i.e. relatif à une infection intestinale « pour l'homme qui peuvent causer des maladies gastro-intestinales graves. »[4]

Les paramètres de qualité de l’eau qui sont surveillés pour s’assurer de la qualité de l’eau sont énumérés ci-dessous :

  • DBO5 (BOD5) : Demande Biochimique en Oxygène sur 5 jours. Une demande biochimique en oxygène excessive peut causer des problèmes d’odeur et de couleur ;
  • DCO (COD) : Demande Chimique en Oxygène
  • TSS : Total des Solides en Suspension. Les contaminants organiques et les métaux lourds peuvent être absorbés par des particules et être ainsi protégés des désinfectants et créer des problèmes d’odeur.
  • Turbidité (Turbidity) : Une turbidité (un liquide trouble) excessive peut occasionner des problèmes d’odeur et nuire à la désinfection.

Le tableau suivant montre les résultats d’une analyse de l’eau juste avant son arrivée au système d’irrigation d’un potager installé sur une toiture.

Résultat d’analyse de l’eau grise à la sortie du système de traitement
Résultat d’analyse de l’eau grise à la sortie du système de traitement, juste avant son utilisation comme eau d’arrosage d’un potager. Source : Écohabitation et Sara Finley, 2008.

Pour lire l’ensemble de cette fiche

  1. Pourquoi donc récupérer les eaux grises ?
  2. Quels sont les types de traitements qu’on peut choisir pour décontaminer l’eau grise ?
  3. Comment fonctionne un système de récupération des eaux grises ?
  4. Récupération des eaux grises : les solutions toutes simples
  5. Les eaux grises… productrices d’électricité !

[1] Peter Ridderstolpe. Introduction to Greywater Management. EcoSanRes Publications Series. Stockholm Environment Institute. June 2004. Page 1.
[2] Op. cit. À noter que « spp » est l’abréviation latine pour espèces (species pluralis)
[3] Op. cit., Tableau 3.
[4] Santé Canada. Recommandations canadiennes sur les eaux domestiques recyclées destinées à alimenter les chasses d’eau des toilettes et des urinoirs. 2010. Consultation le 4 février 2013.