L’eau grise et l’eau noire––l’eau issue des toilettes et contenant de l’urine et des matières fécales––sont généralement combinées aux égouts pour être transportées vers un centre de traitement. L’action de mélanger ces deux types d’eaux souillées dégrade l’eau grise et la rend impropre à son utilisation secondaire comme eau d’arrosage, par exemple. Il est donc essentiel de récupérer l’eau grise en amont du mélange avec les eaux noires. En réduisant la quantité d’eau à traiter, il est possible de générer des économies substantielles au niveau de la communauté pour le traitement de l’eau tout en réduisant la pression sur les systèmes d’épuration et le service d’approvisionnement en eau potable.

Plutôt que de se débarrasser de l’eau grise à travers un système complexe (et coûteux) de conduits vers un centre de traitement, il est possible, après traitement, d’utiliser cette eau pour des usages domestiques ne nécessitant pas une eau potable, tels que :

  • L’arrosage des plantes (intérieures ou extérieures) ;
  • La chasse d’eau des toilettes.

En utilisant un système de filtration suffisamment avancé, il serait possible d’étendre le champ d’application du recyclage de l’eau, tel que l’utilisation dans la douche et le lavage des vêtements.

« Toute réutilisation de l’eau grise réduit le rejet des eaux usées vers les milieux aqueux et le recyclage de l’eau conserve également les approvisionnements en eau potable. La réutilisation des effluents ne saurait être, cependant, le moyen le plus économe de conservation de l’eau. »[1]

Il importe donc de commencer par limiter sa consommation au maximum avant d’entreprendre la récupération de ses eaux grises. Ce n’est qu’à partir de ce point qu’il devient intéressant d’explorer des manières novatrices pour la réutilisation de ses rejets d’eaux grises.

Il faut garder à l’esprit cependant que le but étant en bout de ligne de non seulement réduire notre empreinte environnementale sur notre écosystème local mais aussi de réduire la pression sur la planète (par exemple en permettant une réduction de nos émissions de GES), il importe que la mise en œuvre de notre système de récupération des eaux grises ait un bilan positif sur son cycle de vie. Ainsi, un système complexe comportant des pompes et des filtres qui permettrait d’économiser à peine quelques litres par année (par exemple parce qu’il serait peu utilisé), comporterait tellement d’énergie grise pour les pièces du moteur, de la tuyauterie excédentaire et du système de filtration qu’il serait préférable pour la planète de laisser cette eau grise être banalement gaspillée. La décision de recycler ses eaux grises devrait donc être basée sur une analyse judicieuse de son impact environnemental.

Le saviez-vous ?

Une personne adulte produit environ 500 L d’urine et 50 L de matières fécales par année[2]. Cette même personne utilise cependant entre 20 000 et 100 000 L d’eau pour la chasse d’eau et les autres activités domestiques (au Québec, ce chiffre grimpe à 150 000 L par an !)

L’eau noire (issue des toilettes) et l’eau grise ont des caractéristiques très différentes et il serait avantageux d’éviter de les mélanger. Par exemple, si la matière fécale était collectée séparément, sans dilution et compostée, il serait possible de l’utiliser comme fertilisant naturel en toute sécurité.

Précautions d’usage pour la récupération de l’eau grise.

  • Si l’eau grise est emmagasinée pour être utilisée plus tard, elle doit être utilisée sous peu––avant que l’activité bactériologique commence à se produire en anaérobie, résultant en des odeurs de putréfaction ; en effet, l’eau grise laissée à elle-même dans un sceau tournera vite en eau noire fétide sous l’effet de la prolifération exponentielle des bactéries ;
  • Il est essentiel d’éviter de jeter des produits toxiques––javellisant, détergents––dans les drains de récupération d’eau grise. Évitez donc tout simplement d’acheter tout produit domestique dont vous ne voudriez pas disposer dans vos plates-bandes ou votre potager ;
  • Il est préférable d’utiliser des savons naturels et biodégradables qui n’endommageront pas les plantes ;
  • Assurez-vous que les plantes que vous arroserez avec de l’eau grise peuvent supporter un tel traitement ;
  • Toute eau grise doit être considérée comme impropre à la consommation et pouvant contenir des agents pathogènes : elle ne devrait donc pas être vaporisée mais plutôt appliquée sous la surface afin d’éliminer le danger d’inhalation des particules d’aérosol ;
  • Un corollaire de la mesure précédente est qu’il faut éviter de déverser les eaux grises directement dans un cours d’eau ou sur une terrasse en pierre ;
  • Les réservoirs d'eau traitée devraient être identifiés clairement avec la mention "eau non potable" et leur accès devrait être inaccessible aux tout-petits ;
  • Les conduits transportant les eaux grises doivent être identifiés d’un ruban de couleur mauve, et être également étiquetés "eau non potable" afin d’éviter la confusion avec les conduits d’eau potable.

[1] S.A. Fane, N.J. Ashbolt et S.B. White. Decentralised urban water reuse : The implication of system scale for cost & pathogen risk. Water Science and Technology, vol 46, no. 6-7, pp. 281-288

[2] Jakob Ottoson. Hygiene Aspects of Greywater and Greywater Reuse. Swedish Institute for Infectious Disease Control. Stockholm 2003. P. 9.