L’énergie grise représente l’ensemble de l’énergie utilisée dans le cycle de vie d’un produit[1]. Cela comprend l’extraction des matières premières, leur transformation, l’assemblage du produit, son transport, son installation, l’énergie qu’il consomme dans sa vie utile, sa démolition, son recyclage ou son enfouissement.

Pour un bâtiment résidentiel, l’énergie grise correspond à l’énergie dépensée pour sa construction, sa rénovation et son utilisation. Pensons au bois nécessaire à la structure, au béton des fondations, aux matériaux utilisés pour l’isolation, au revêtement du toit ou de plancher, etc. Ces matériaux ont tous une empreinte écologique plus ou moins grande selon leur provenance (un bois du Québec comparativement à un bois exotique), leur mode de production et les matières utilisées (un bardeau d’asphalte comparativement à un bardeau de bois) et s’ils sont recyclables ou non (l’aluminium comparativement au vinyle).

Pour en savoir plus sur les économies de GES par une réduction des énergies grises des habitations :

Cadres gouvernementaux

Outils d'urbanisme et règlementation

Subventions et incitatifs financiers

Communication et sensibilisation

CADRES GOUVERNEMENTAUX

En avril 2013, le gouvernement du Québec a présenté la Charte du bois qui a pour but de favoriser l’utilisation du bois du Québec dans les constructions. Le gouvernement compte aussi modifier le Code de construction du Québec afin d’autoriser les constructions en bois de cinq à six étages[2].

OUTILS D’URBANISME ET RÈGLEMENTATION

Les municipalités ont la possibilité de régir les matériaux de construction utilisés pour les bâtiments résidentiels. Si elles ne souhaitent pas les régir, il leur est également possible d’orienter les constructeurs vers l’utilisation de certains matériaux ayant un impact moins grand sur l’environnement.

Le plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA)

Puisqu’il est un outil d'évaluation des projets à partir de critères plutôt que de normes, le PIIA permet de favoriser l’utilisation de matériaux durables. Il est donc possible d’atteindre des objectifs de réduction de l’énergie grise des habitations grâce à un PIIA. Les critères pourraient ressembler à ceux-ci :

  • Provenance des matériaux : utilisation de matériaux provenant du Québec pour les revêtements extérieurs, les galeries, les balcons, les clôtures, les murets, etc.
  • Durée de vie : utilisation de matériaux ayant une durée de vie de plus de 15 ans pour le toit, le revêtement extérieur, l’isolation, etc.
  • Composition des matériaux : utilisation de matériaux faits à partir de matières recyclées, exempts de certains produits chimiques, composés de matières biologiques, etc.
  • Recyclage et réutilisation des matériaux : lors de la rénovation d’un bâtiment, les matériaux devraient pouvoir être réutilisés ou recyclés lorsque cela est possible.

Ainsi, le bois du Québec, la pierre (la pierre grise de Montréal par exemple), la brique, le béton fait de matières recyclées ou la tôle seront plus susceptibles d’atteindre les critères d’un tel PIIA que le bardeau d’asphalte, le revêtement de vinyle ou les enduits d’acrylique. D’ailleurs, notons que les matériaux durables (bois, pierre, brique, etc.) offrent souvent une qualité architecturale plus grande, ils sont plus nobles et augmentent la valeur des maisons.

Le règlement de zonage

Si le PIIA n’oblige pas les constructeurs à utiliser certains matériaux plutôt que d’autres, le règlement de zonage le peut. Une municipalité pourrait donc interdire ou régir l’utilisation de certains matériaux selon le type de construction ou selon la zone. Voici quelques exemples :

  • Revêtement extérieur : Prohiber l’utilisation du vinyle, de la tôle, du fibrociment ou des enduits d’acryliques comme revêtement extérieur pour les nouvelles constructions ou pour les bâtiments résidentiels de plus de 6 logements;
  • Revêtement extérieur : Autoriser les revêtements extérieurs en bois (certaines essences peuvent être autorisées et d’autres interdites pour favoriser l’utilisation du bois du Québec et éviter l’utilisation de bois exotiques);
  • Matériaux de toiture : Prohiber l’utilisation du PVC pour les toitures.

Le règlement de construction

Les municipalités peuvent utiliser leur règlement de construction pour limiter les énergies grises émises par les habitations. Par exemple :

  • Matériaux de construction : Prohiber l’utilisation de bois exotiques (en mentionnant les essences), autoriser ou régir l’utilisation de matériaux faits de matières recyclées;
  • Fondations : Limiter l’utilisation du béton;
  • Foyers et poêles au bois : Interdire l’installation d’un foyer ou d’un poêle fonctionnant au bois qui n’est pas certifié CSA.

Il ne faut pas oublier que la municipalité peut régir les matériaux utilisés et leur mode d’assemblage, mais que ces matériaux doivent répondre aux normes de sécurité, de résistance et de qualité du CCQ.

Le projet particulier de construction, de modification et d’occupation d’immeubles (PPCMOI)

Un règlement sur les PPCMOI permet de déroger à tous les règlements d’urbanisme et de créer une nouvelle réglementation afin d’encadrer un projet de développement[3]. La municipalité pourrait imposer au constructeur le respect de différents critères en étant plus ou moins sévère sur la portée de ces critères. Ils pourraient prendre diverses formes :

  • Matériaux durables : selon leur durée de vie, leur provenance, leur mode de fabrication, etc.;
  • Matériaux recyclés : l’incorporation de matériaux recyclés dans la construction;
  • Recyclage : le recyclage des bâtiments existants sur le site, la restauration de bâtiments patrimoniaux ou l’intégration du vieux bâti dans le projet;
  • Gestion du chantier : une gestion du chantier qui assure un contrôle stricte de la qualité de l’air durant les travaux.

Bien utilisé, cet outil peut même mener à la construction de bâtiments certifiés LEED ou Novoclimat.

Saviez-vous qu’une certification LEED Or permet une économie d’environ 25% sur l’énergie grise par rapport à une maison conventionnelle ? Or, une maison de 100 m² requiert environ 40 Téq CO2 lors de la construction, selon une étude effectuée par Quantis, Earth Advantage et l’Oregon Home Builders Association. Il serait donc possible d’éviter l’émission de 10 Téq CO2 pour chaque maison certifiée LEED Or seulement pour l’énergie grise dépensée.

Avantages

Ces règlements ou ces outils de planification offrent une grande souplesse entre l’obligation et la recommandation, pour les types de constructions et les zones visées. Certains sont à caractère discrétionnaire et permettent une appréciation qualitative des projets. En régissant les matériaux utilisés lors des constructions et des rénovations, les municipalités s’assurent de réduire les émissions de GES produits durant tout le cycle de vie des résidences.

À prendre en compte

La grande difficulté de l’utilisation des règlements d’urbanisme demeure leur mise en application, le contrôle et la surveillance des chantiers. Si la municipalité souhaite régir les matériaux, elle doit s’assurer qu’il y aura une inspection des chantiers et que l’inspection s’attarde sur ces éléments. L’avantage d’adopter une programme tel que LEED réside dans le fait que la gestion de ces éléments est assurée par une tierce partie.

D’autre part, les matériaux de construction durables peuvent parfois être plus coûteux que les matériaux conventionnels à l’achat, mais deviennent plus rentables à plus long terme. Par exemple, une toiture en bardeaux d’asphalte peut coûter entre 2,50$ et 3$ le pied carré, mais sa durée de vie n’est que de 15 ans. Au contraire, une toiture en matériau composite coûte environ 8$ le pied carré, mais peut être en place plus de 50 ans[4].

Étude de cas

L’Arrondissement Saint-Laurent, à Montréal, s’est doté d’un PPCMOI qui lui a permis d’avoir le plus haut taux de construction résidentielle LEED au Québec. En fait, cette mesure a permis d’augmenter à 75% la part de logements certifiés LEED pour les nouvelles constructions résidentielles. La population totale du territoire a aussi augmenté de 10,6% entre 2006 et 2011[5].

En ajoutant l’objectif de « la performance environnementale du projet » au PPCMOI, en négociant efficacement avec les promoteurs et les entrepreneurs et en ayant une vision claire et commune de leur objectif, le conseil municipal, le CCU et les urbanistes de l’arrondissement réussissent à imposer des critères strictes et à voir naître de plus en plus de bâtiments à faible émission de GES et à faible énergie grise.

SUBVENTIONS ET INCITATIFS FINANCIERS

Les subventions et les incitatifs financiers peuvent prendre plusieurs formes, telles que :

  • Impôt foncier : Congé d’impôt foncier pour les maisons certifiées LEED;
  • Permis de construction : Permis remboursé pour les résidences ayant atteint certains standards, tels que la norme Novoclimat ou la certification LEED, certifié, argent, or ou platine;
  • Rénovation : Subvention pour la rénovation résidentielle qui comporte une dimension environnementale comme l’utilisation de matériaux locaux, moins polluants ou ayant une durée de vie de plus de 15 ans, ou la restauration d’un plancher ou des boiseries, etc.;
  • Écocentre : Matériaux de construction pouvant être réutilisés offerts gratuitement dans les écocentres.

Ici, on vise plutôt les propriétaires et moins les constructeurs ou les entrepreneurs, qui eux, peuvent être sujets à une règlementation plus stricte.

Avantages

Les subventions offrent plusieurs avantages, à la fois pour la municipalité et pour les propriétaires-rénovateurs.

  • Elles offrent aux propriétaires la possibilité de rénover à moindre frais (permis, matériaux recyclés, restauration, etc.). En parallèle, un propriétaire pourrait être tenté d’utiliser des matériaux moins dommageables pour l’environnement si, grâce à la subvention, leur prix diminue.
  • Pour la municipalité, le recyclage des matériaux et leur réutilisation sont autant de déchets en moins à enfouir. C’est donc une réduction des émissions de GES dues au transport et à l’enfouissement des déchets, mais aussi une économie d’argent.

À prendre en compte

Les incitatifs financiers ne permettent pas de contrôler la construction ou la rénovation des bâtiments, mais servent plutôt à encourager les propriétaires à développer des pratiques plus durables. Ils doivent donc être accompagnés d’une bonne visibilité (campagne de communication, publicité, etc.) afin d’être efficaces et utilisés par la population.

Étude de cas

À Rivière-du-Loup, la municipalité a débuté un programme de remboursement des permis de construction pour les demandeurs qui ont intégré des éléments visant à améliorer l’empreinte écologique de leur résidence. Plusieurs principes comme la gestion de l’eau, l’aménagement du terrain, la consommation énergétique, les types de matériaux utilisés et la localisation du bâtiment ont été pris en compte.

La municipalité a mis en place cette mesure pour souligner le jour de la terre en mai 2013. Elle ne concernait que les permis de construction délivrés pour des bâtiments résidentiels entre les mois d’avril et de juin 2013. Cependant, après avoir constaté son succès (71 permis remboursés sur 375 permis délivrés, pour un total de 1300$ de subvention) la municipalité souhaite recommencer l’expérience en allongeant la période d’inscription et en offrant plus de visibilité au programme.

COMMUNICATION ET SENSIBILISATION

Pour plus d’informations sur les processus de communication et de sensibilisation concernant l’enjeu de la réduction des GES, consultez la section Réduction de la consommation énergétique du parc immobilier résidentiel (communication et sensibilisation).

@Marie-Michelle Prévost

Avantages

Par une bonne communication, ceux qui demandent un permis de construction connaissent mieux la réglementation, les intentions de la ville et les subventions qui leurs sont offertes. Cela peut attirer de nouveaux arrivants qui souhaitent avoir une maison saine (notamment une maison certifiée LEED) et des entrepreneurs experts en construction écologique, en plus d’offrir une image plus positive de la ville.

Économies de GES réalisées grâce à cette mesure

Objectifs

Mesures

Étendue de la mesure

Économies de GES

Favoriser l'économie locale et diminuer l'énergie grise des planchers

Inciter l'achat d'un plancher local plutôt qu'importé de Chine

1 domicile

(surface de plancher de 800 pi²)

235 kg CO2 éq

Favoriser l'utilisation de matériaux écologiques

Encourager l'utilisation du béton écologique ternaire comportant 30 % de cendres volantes en remplacement du ciment au lieu du béton

1 domicile

(dalle de 2080 pi2)

2080 kg CO2 éq

À prendre en compte

Comme toute bonne campagne de publicité, campagne de sensibilisation ou campagne de promotion, il faut investir du temps et de l’argent. Il faut aussi que le message soit bien rédigé, bien transmit et entendu.

[1] Québec, MDDEFP. 2002. «Les aventures de Rafale: le cycle de vie des matériaux», Ministère du Développement durable, Environnement, Faunes et Parcs. En ligne.Consulté le 18 septembre 2013.

[2] Québec. 2013. La charte du bois. En ligne. 4 p.

[3] Québec, MAMROT, «Guide de la prise de décision en urbanisme, Outils de réglementation, Règlement sur les projets particuliers de construction, de modification et d’occupation d’immeubles», In Ministère des Affaires municipales, Régions et Occupation du territoire, En ligne.

[4] Écohabitation, «Une toiture durable, efficace, et respectueuse de l’environnement», In Écohabitation, En ligne. Consulté le 30 août 2013.

[5] CNW Telbec (Une société pr Newswire). 2012 (27 décembre). Hausse de 44 % avec des projets de construction totalisant 333 millions $ en 2012 - Saint-Laurent, générateur de richesse pour le Grand Montréal. En ligne. Consulté le 30 août 2013.