Il y a trois ans, Luc Degarie emménageait dans sa maison LEED Platine (certifiée en août 2011), située dans le Faubourg Boisbriand, un quartier LEED ND (Neighborhood Development). Depuis, il a développé une expertise étonnante en matière de consommation inutile d’électricité. Entrevue.

Cette entrevue est extraite de notre fiche technique "Les charges fantômes, ou comment lutter contre la consommation électrique invisible". À lire absolument!

Écohabitation - Comment a démarré votre intérêt pour le gaspillage de l’électricité?

Luc Degarie - Lorsque j’ai emménagé, je souhaitais chiffrer une partie de mes besoins électriques pour pouvoir dimensionner un des composants du système d’alimentation électrique de la maison. J’avais pour cela utilisé un appareil de mesure. Une fois que j’ai eu fini ces mesures, j’ai eu l’idée de brancher cet appareil au compteur pour connaître la consommation totale de la maison !

C’est maintenant un des deux appareils que j’utilise pour connaître ma consommation électrique : mon appareil de contrôle général, qui mesure en temps réel la consommation électrique de la maison. Le deuxième appareil de mesure est un wattmètre, plus pratique et plus précis, que j’utilise pour calculer la consommation de mes électroménagers. Mon wattmètre est assez performant, et me permet d’enregistrer les données de consommation de chaque appareil. Il permet d’enregistrer les données de consommation pour les traiter avec un ordinateur. Après au moins une semaine de mesures pour chaque électroménager, j’ai pu dresser un portrait assez fidèle de la consommation électrique de mes appareils en utilisation, et aussi en attente. J’ai ainsi pu déduire de ces calculs ma consommation électrique mensuelle et annuelle.

 

Luc Degarie devant sa maison
Luc Degarie devant sa maison © Écohabitation

Quels sont les résultats que vous avez obtenus avec vos appareils ?

Les résultats obtenus avec mes appareils sont assez proches de ce qu’indiquent mes factures. Elles donnent une moyenne annuelle de 12 529 kWh par année, et je trouve par mes calculs 12 488 kWh par année. Les calculs qu’on peut réaliser par soi-même sont donc très proches de la consommation réelle, surtout en utilisant un bon appareil puisque celui que j’utilise me permet d’enregistrer la consommation pendant au moins une semaine. Au final, près de 10 % de ma consommation d’électricité concerne les « consommations en attente », c’est-à-dire les appareils hors fonction ou en mode « veille » qui restent branchés : les charges fantômes. Ce n’est pas énorme, mais pour une facture d’électricité annuelle de 700 $, on a 70 $ en charges fantômes, et sur une durée de vie d’appareil, c’est quand même là !

« 10 à 30% de ma consommation d’électricité… ne sert à rien ! »

C’est ce que j’ai pu mesurer avec le wattmètre pour tous les appareils branchés sur le 120 V. Mais il ya pire. Je me suis rendu compte que j’ai une consommation plus importante à l’aide de l’appareil de contrôle central qui m’indique que j’ai 450 W de consommation quand tous les appareils sont éteints ou en mode « veille ». Avec le wattmètre, je suis arrivé à en calculer 145 W uniquement. J’ai donc peut être une consommation fantôme réelle de 3942 kWh par année, et je suis capable d’en définir précisément un tiers seulement, sans arriver à expliquer d’où viennent les autres deux tiers. En comptant la consommation totale de la maison, ce n’est donc pas 10 % de charges fantômes, mais bien potentiellement 30 % de ma consommation annuelle !

Qu’est-ce que vous avez découvert que vous ignoriez?

La maison est chauffée au gaz naturel. Le gros de ma consommation électrique, c’est l’été.  Selon mes données, la moitié de ma consommation électrique est directement ou indirectement liée à la filtration, la ventilation générale et la climatisation de l’air ! Il y a aussi de nombreux équipements qui fonctionnent en « série ».  Ainsi, la mise en marche de l’échangeur d’air allume automatiquement le système de ventilation central qui consomme beaucoup à lui tout seul (500 W). Eviter cette consommation supplémentaire en distribuant les conduits de manière différente lors de la construction aurait sans doute été simple (quelques conduits supplémentaires) et beaucoup plus économique.

« Quand l’échangeur d’air fonctionne, il fait aussi marcher la ventilation générale, qui consomme beaucoup. Cela pourrait être évité… »

Les vraies économies à faire sont donc d’abord sur ces grosses consommations et non sur toutes les petites économies comme l’éclairage ou les petits électroménagers. Il faut cibler les grands enjeux au minimum de coût et faire des choix. Le problème c’est que ces choix reposent sur des gros appareils. On a six gros postes de consommation qui prennent 50 à 60 % de notre facture : la climatisation, la sécheuse, le réfrigérateur, etc. J’ai par exemple réduit la ventilation générale de la maison de 35 % car il n’y a finalement pas besoin de 100 %, et cela m’a permis de faire des économies annuelles d’environ 100 $ par année, mais ce n’est pas à proprement dit une charge fantôme.

Photo Benjamin Zizi pour Écohabitation
Chez Luc Degarie: le wattmètre, l'appareil noir au premier plan; l'appareil de contrôle central en haut à gauche; et à droite, un appareil de contrôle de la consommation de la laveuse-sécheuse. Photo Benjamin Zizi pour Écohabitation.

Et justement, en ce qui concerne les charges fantômes, qu’avez-vous fait pour les diminuer?

Il y a des consommations inutiles que j’ai supprimées. Le mode « veille » de l’ordinateur par exemple, qui ne coûte pas très cher à l’année, mais que j’ai pris l’habitude d’éviter en éteignant l’ordinateur après utilisation. La console de jeu, également, dont on se sert quelques heures par année  mais qui était branchée tout le temps. Elle consommait plus éteinte qu’en utilisation, et même si ça ne représente pas beaucoup d’économies, c’est quand même une consommation inutile, donc je l’ai mise sur un interrupteur. La télévision c’est la même chose. Le tapis roulant d’exercice consomme 80 kWh par année juste branché, je l’ai donc débranché aussi ; ainsi qu’une petite radio dont je ne me servais presque jamais et pour laquelle on peut dire que 1 % de son électricité servait à son utilisation, et les autres 99 % pour rien…

Quels sont vos appareils qui ont les consommations fantômes les plus élevées ? Et ceux qui vous ont surpris ?

Ceux qui consomment le plus en charges fantômes sont le décodeur TV (154 kWh/an), le téléviseur (167 kWh/an) et l’imprimante (111 kWh/an), le reste tourne  en général autour de 20 kWh/an, mais il y en a beaucoup !

L’appareil qui m’a surpris est le grille-pain. Il consomme 1.2 W en permanence quand il est branché, et il n’y a pourtant aucune raison. Il consomme donc 10 kWh par année en étant simplement branché : 20 % de sa consommation totale, tout ça pour un accessoire qui ne devrait rien consommer éteint. L’ordinateur m’a surpris parce que je m’attendais à plus, en mode « veille » comme en utilisation. De même,  je ne m’attendais pas à autant du côté de la télévision.

Au final, quel est le message que vous souhaitez faire passer ?

Ce serait bien de permettre aux gens de voir leur consommation, ils réagiraient sûrement de manière différente en voyant la vitesse à laquelle ils consomment. On continue à construire des barrages, à  installer des centrales électriques… on devrait plutôt consommer moins, et exporter notre électricité. Avec les appareils ENERGY STAR et les étiquettes Énerguide, on peut aider les gens à consommer moins d’électricité. Il est inutile de continuer à mâcher de nouvelles rivières et enlaidir un paysage avec des éoliennes... Si tout le monde était capable de diminuer sa consommation, ce serait un beau geste écologique et économique !