Tout juste installée dans sa première maison, une jeune famille pleine de projets ne tarde pas à découvrir que la mérule y a aussi élu domicile. Cet article est le premier d’une série écrite par Mikaël Paris, qui raconte son aventure, ses recherches, ses décisions… Du cauchemar de la découverte de la mérule pleureuse, le cancer du bâtiment, jusqu’à la reconstruction d’une nouvelle maison écologique, certifiée LEED Platine, en 2000 jours : le projet Phoenix.

1er juillet 2015, nous venons de prendre possession de notre première maison située dans un décor rêvé pour les adeptes de plein air qui, tout comme nous, ont décidé de faire de Lac-Beauport près de Québec, leur nid familial. Après plusieurs années de vie en ville, la famille grandissante pose ses valises dans la maison jaune, située en bordure de la rivière du même nom, entre montagne de ski et forêt boréale.

La Maison Jaune, bien que nécessitant quelques travaux d’aménagements et d’améliorations, semblait répondre en tout point à nos préoccupations. Bien orientée face au sud, sur un grand terrain plat semi-boisé avec une fenestration abondante…

Premiers signes et diagnostic de mérule pleureuse, le cancer du bâtiment

Le 25 décembre suivant notre installation, alors que nous célébrons en famille notre récente acquisition autour du repas de Noël, nous découvrons qu’une des fenêtres du salon est cassée. Ce n’est qu’au moment de la remplacer que notre rêve de vie paisible s’est transformé en véritable cauchemar.

Un fléchissement anormal dans la tablette de fenêtre m’a poussé à ouvrir le mur extérieur pour comprendre le bris. C’est alors j’ai découvert deux gros champignons qui semblaient avoir grugé l’ossature et ainsi affaibli la charpente. Nous avons tout de suite réalisé que nous faisions face à un problème sérieux.

Notre premier réflexe a été de contacter une firme spécialisée en microbiologie pour échantillonner le champignon. Le verdict est rapidement tombé : c'était la fameuse mérule pleureuse. Notre moral a fait une chute vertigineuse en découvrant sur internet ce champignon que plusieurs qualifient de « cancer du bâtiment ».

La décontamination
Les experts en décontamination                                                                                          photo Mickael Paris

La mérule pleureuse est un champignon lignivore qui s’attaque au bois si les conditions favorables à son développement sont réunies. À savoir : manque de ventilation, humidité excessive, température stable, obscurité. Le vide sanitaire sous notre maison, trop humide et mal ventilé, offrait donc l’environnement idéal à sa prolifération…

Une enquête plus poussée révèle que ce champignon, ainsi qu’un cocktail de moisissures, sont étendus dans l’ensemble du vide sanitaire mais que, par chance, les pièces de vie ne semblent pas contaminées… Mais pour combien de temps? 

Les experts nous confirment que l’ampleur de la contamination avec la mérule pleureuse est telle que nous n’avons d’autre choix que de démolir notre maison, le coût des travaux de décontamination étant supérieurs à la valeur du bâtiment.

Découragés devant cette hécatombe, nous décidons de contacter d’autres sinistrés qui, comme nous, semblent bien désemparés devant le manque d’informations disponibles sur le sujet ou les solutions et recours possibles… Face à notre terrible solitude de réaliser que l’investissement de notre vie doit partir en fumée, nous décidons de partager notre histoire dans les médias pour rendre utile notre lourd fardeau et ainsi commencer à accepter notre processus de deuil.

Reconnaitre la mérule
La découverte de la mérule pleureuse dans les murs de la maison                                photo Mickael Paris

Le combat politique et médiatique des sinistrés de la Mérule Pleureuse au Québec

Alors que nous entamons une campagne de socio-financement pour recueillir le soutien la population, nous rejoignons un collectif de sinistrés qui s’organise pour faire pression auprès du gouvernement québécois afin qu'il reconnaisse la problématique et vienne en aide aux victimes de ce fléau.

Après plus de quatre années de bras de fer politique, entre espoirs et désespoirs menés de front par les efforts intarissables des premières victimes du champignon Maxime Boivin et Marie-Hélène Cauchon, le Regroupement Mérule Pleureuse est né en avril 2018. 

Ainsi, nous nous impliquons dans le nouveau CA du regroupement Mérule Pleureuse Québec et partageons notre histoire auprès des élus, des ministères et des médias pour éveiller la sensibilité à cette cause. L’organisme récolte ainsi de plus en plus de témoignages de propriétaires contaminés par le champignon qui pris dans l’étau financier et émotif, peinent à reconnaître et admettre leur situation.

En février 2018, un rapport du comité interministériel sur l’état de la situation de la mérule pleureuse au Québec est rendu public et laisse présager une action gouvernementale pour développer une expertise sur la prévention et l’élimination de la Mérule.

C’est à ce moment que les instances gouvernementales considèrent le regroupement Mérule Pleureuse Québec comme interlocuteur dans la documentation de la problématique et dans l’ébauche d’un programme de soutien financier pour les propriétaires dont le domicile est contaminé.

Le programme d’intervention résidentielle Mérule est né en octobre 2018, après de multiples rencontres et débats auprès de la Société d’Habitation du Québec (SHQ). Il vise à réduire le fardeau financier des propriétaires occupants dont le domicile est contaminé par le champignon.

Le 15 octobre 2018, nous sommes les premiers à compléter la demande de subvention auprès de la Société d’Habitation du Québec. Malheureusement notre demande est rejetée basée sur une clause d’inadmissibilité pour cause de recours juridiques. Après tous ces efforts, c’est une immense déception…

La démolition de la maison contaminée
La démoiltion forcée de la maisson  contaminée à la mérule pleureuse                                                             photo Mickael Paris

La contamination par la mérule pleureuse force la démolition de la maison

Nous déciderons malgré tout de poursuivre notre contribution en se portant volontaires dans le cadre d’un projet de recherche sur la démolition d’une résidence touchée par la mérule.

Le 16 octobre 2018, après 1000 jours d’un combat accablant, notre maison est démolie selon un protocole de gestion de déchets contaminés, entouré de biologistes et microbiologistes qui étudient la volatilité des spores. Ce matin-là, la famille est réunie pour un dernier au revoir à la Maison Jaune. Ma conjointe Dominique et moi regardons incrédules ce spectacle saisissant. Nous savons qu’il nous reste à déménager, démolir … et reconstruire notre rêve. 

Découvrez le parcours de reconstruction de la famille Paris: l'autoconstruction d'une maison Leed, le projet Phoenix, après la mérule pleureuse.

 Trouvez plus de pages sur la mérule pleureuse Québec, les moisissures et leurs dangers ci-dessous et dans notre guide de la construction écologique.

Trouvez des professionnels et des produits ainsi que des projets de maisons écologiques exemplaires dans notre répertoire de l'habitation durable.