La nouvelle n'est pas passée inaperçue : communautés autochtones, groupes environnementaux, scientifiques, chasseurs, pêcheurs et acteurs de l’industrie forestière s'inquiètent des conséquences d'une telle réforme.
Que propose le projet de loi 97?
Le projet de loi 97 a pour objectif de modifier la manière dont nos forêts sont exploitées au Québec, et ce, en proposant de nouveaux zonages. L'intention énoncée par le Gouvernement est de protéger l'industrie forestière d'un système économique incertain en accentuant la production de bois. Toutefois, nombreux sont ceux qui critiquent le peu d'encadrement proposé pour protéger la pérennité des forêts et la biodiversité, ainsi que le manque de concertation en amont.
« Cette réforme constitue un recul significatif sur plusieurs acquis et donne les coudées franches à l’industrie forestière au détriment de la conservation de la biodiversité et de la consultation du public » a affirmé la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) dans un communiqué de presse le 24 avril dernier. 1
Dans cette réforme, la ministre Maïté Blanchette Vézina propose de diviser le territoire forestier public québécois en trois catégories : les zones d’aménagement forestier prioritaires, les zones de conservation et les zones multi-usages. Par conséquent, un tiers du territoire forestier public de chaque région serait réservé à l’exploitation forestière intensive : c'est ce qui en inquiète plusieurs.

Un projet de loi qui fait réagir
Différentes communautés autochtones, regroupements environnementaux et acteurs du secteur forestier ont demandé à ce que le projet de loi 97 soit revu, voir complètement retiré, et qu'une concertation soit établie dans le but d'en faire une nouvelle version favorisant la gestion durable des forêts et la biodiversité.
Un manque envers les droits ancestraux des Premières Nations
De nombreuses communautés autochtones ont pris action pour faire valoir leurs droits, notamment celles de Lac-Simon (Anishnabe), de Pessamit (Innu), de Mashteuiatsh (Innu) et d’Obedjiwan (Atikamekw), ainsi que l'Alliance Première Nation MAMO, rassemblant les communautés Nehirowisiwok (Atikamekw), Innuat, Anicinapek et W8banaki (Abénaquis). Toutes ont voulu dénoncer le non-respect de leur droit de concertation sur les projets de coupe sur les terres ancestrales; une situation allant à l'encontre du principe de relations de nation à nation.
Les Premières Nations soutiennent que la conservation de ces territoires est essentielle pour la transmission de leurs modes de vie traditionnels, de leurs cultures et de leurs langues, mais également pour la protection des milieux naturels et des espèces, telles que le caribou, dont la survie est actuellement menacée. Rappelons-nous qu'en période de changements climatiques, les enjeux liés à la biodiversité sont d'autant plus importants, et ce, pour l'ensemble de la province.

Des scientifiques s'inquiètent pour la résilience de nos forêts
Jean-Pierre Jetté, ingénieur forestier, et Pierre Drapeau, titulaire de la chaire de recherche UQAT-UQAM en aménagement forestier durable à l'UQAM, ont soulevé un autre enjeu important dans une lettre publiée dans Le Devoir 2 : les forêts matures, dites « naturelles », résistent mieux au feu. L'exploitation forestière, si elle ne prend pas en considération certaines mesures de régénération, peut contribuer à affaiblir la résilience des forêts. Selon ces experts, le projet de loi 97, tel qu'il a été présenté, pourrait effectivement aller en ce sens et menacer la résilience de nos forêts face aux bouleversements climatiques. Il semblerait d'ailleurs qu'aucun expert de la communauté scientifique n'ait été invité à participer aux consultations particulières en lien avec la réforme.
Une révision grandement attendue
À la suite de manifestations, d'audiences, de consultations particulières, de dénonciations scientifiques, d'un mouvement syndical et d'une étude par la Commission de l'aménagement du territoire, la ministre Maïté Blanchette Vézina a affirmé le 6 juin dernier qu'elle allait réviser le projet de loi 97 au courant de l'été et y apporter « des amendements importants ». Les détails des modifications prévues n'ont pas été précisés pour l'instant, mais elle a assuré qu'elle travaillerait en collaboration avec les Premières Nations.
L'impact du projet de loi 97 sur le secteur de la construction au Québec
La grande majorité des constructions résidentielles à faible hauteur au Québec sont portées par une ossature légère en bois. C'est la méthode la plus écologique et dont l'empreinte carbone est la plus faible, à condition que la coupe forestière soit faite de manière pérenne et durable.
L'avenir de la certification de bois FSC au Québec
D'emblée, Écohabitation recommande de choisir du bois possédant la certification FSC afin d'avoir de la matière issue de forêts gérées de façon écologiquement respectueuses, socialement bénéfiques et économiquement viables. En bref, la certification FSC assure que le bois acheté provient d'une coupe forestière durable. Cette norme est largement reconnue et se retrouve dans les quincailleries populaires.

L'une des grandes priorités de la certification FSC est le respect des terres ancestrales autochtones. Le principe 3 demande l'accord libre des communautés autochtones pour les projets de coupe. Cela signifie que les communautés adjacentes, souvent autochtones, doivent être associées à l’exploitation pour qu’un territoire forestier soit certifié FSC. L'application et le processus pour valider le consentement libre et éclairé avec les communautés autochtones dans le cadre de la certification sont largement documentés.
Considérant que le projet de loi 97 n'a, pour le moment, pas l'accord des communautés autochtones, nous nous questionnons sur la façon dont le bois provenant des terres ancestrales pourra obtenir la certification FSC à l'avenir. Nous savons que le Code national du bâtiment est influencé par les programmes de certifications reconnus pour améliorer progressivement les normes publiques de construction, notamment au niveau écoénergétique. Serait-il envisageable de tendre vers un programme d'encadrement des forêts comme le fait la certification FSC, mais à l'échelle nationale?
À quoi peut-on s'attendre?
L'ensemble du Québec sera touché par la réforme du régime forestier, car elle soulève à la fois des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. En attendant la révision du projet de loi 97 par la CAQ, nous ne pouvons qu'espérer que tous les acteurs concernés soient entendus et que les points de chacun soient pris en considération.
Vous en savez maintenant plus sur le projet de loi 97 et son possible impact sur la gestion durable des forêts. Trouvez plus de pages sur les matériaux résilients ci-dessous et dans nos guides sur la construction écologique. |
1 https://snapquebec.org/projet-de-loi-97-reforme-du-regime-forestier-des-reculs-inacceptables-face-a-la-gestion-de-nos-forets-publiques/
2 https://www.ledevoir.com/opinion/idees/886138/idees-foret-naturelle-assise-incontournable-amenagement-forestier-durable
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