Frein-vapeur dans les murs, ou pourquoi le polyéthylène peut être problématique

Plusieurs constructeurs pourraient être surpris d’apprendre quelle est la cause réelle de la moisissure dans les murs et quoi faire pour la prévenir. Comprendre comment la vapeur d’eau migre dans le mur étant crucial, il est bon de commencer par visiter notre page qui explique ce mouvement de l’humidité dans les maisons et qui différencie les pare-air et les pare-vapeur.

Pour empêcher la vapeur de passer à travers le mur de la maison, l’approche traditionnelle est de poser un pare-vapeur en polyéthylène de 6 mil (0,006 pouce). Alors qu’il s’agit d’une excellente pratique à mettre en place dans les maisons au nord du Québec, elle peut devenir problématique quand on se retrouve plus au sud de la région, compte tenu des grandes différences de températures qui la caractérise.

Mais « un des problèmes de l’industrie de la construction est (...) de considérer que la solution à tous les problèmes d’humidité consiste à installer un pare-vapeur en polyéthylène à l’intérieur des murs. Ceci est responsable de beaucoup plus d’échecs en construction que de succès », clame Joe Lstiburek, Directeur du Building Science Corporation.

L’Amérique du Nord possède de nombreuses zones climatiques. Il n’y a donc pas un seul type d’enveloppe qui puisse y convenir. La pose d’un pare-vapeur en polyéthylène dans chaque maison, de la baie d’Hudson aux vignes du sud de l’Ontario jusqu’aux déserts de l’Arizona est conforme aux différents codes des bâtiments, mais ignore complètement à quel point ces climats sont différents.

De nombreuses régions au Québec peuvent varier du froid extrême à des périodes de chaleur et d’humidité excessives (particulièrement au sud de la province). On parle parfois de différences de 70 degrés pour un même lieu ! Dans ces régions, le pare-vapeur nous rend service en février, mais pas en juillet. Au cours de ces quelques semaines où le taux d’humidité relative est supérieur à 80 % et que les environnements intérieurs sont climatisés, le pare-vapeur dans le mur se retrouve alors du mauvais côté!

La solution est-elle alors de ne pas installer de pare-vapeur? Non. Mais comme il n’existe pas de solution parfaite pour répondre aux extrêmes climatiques, nous devrions trouver une solution tenant au moins compte de ces importantes fluctuations de températures. La majorité des Québécois vivent dans un climat tempéré. Ainsi, pour la plupart d’entre nous, un pare-vapeur (ou plus spécifiquement un frein-vapeur semi perméable) qui permet une certaine quantité de vapeur de passer à travers le mur pourrait en réalité mieux convenir sur une base annuelle.

Lorsque l’air chaud et humide se refroidit, les molécules d’air se contractent et évacuent l’humidité. Cela peut poser problème si ça se produit à l’intérieur des murs, c’est pourquoi on pose des freins-vapeur. Et afin d’empêcher la formation de condensation, on place le frein-vapeur du côté chaud au Canada: l’air chaud et humide ne doit pas entrer en contact avec la partie froide du mur! Dans les climats chauds, au sud des États-Unis par exemple, il sera par contre posé à l’extérieur de l’isolant.

Le plus important ? Comprendre qu’il n’existe pas de règles fixes concernant les pare-vapeur. Les pratiques de construction doivent toujours être déterminées par la zone climatique dans laquelle elles se situent.

Comprendre le rôle du frein-vapeur

Le Code national du bâtiment du Canada stipule que, pour les bâtiments résidentiels, un pare-vapeur doit avoir une perméance à la vapeur d’eau de moins de 60 ng/(Pa•s•m2), ou 1 Perm. Ce qui signifie qu'un maximum de 60 nanogrammes de vapeur d’eau peut traverser 1 m2 de matériaux en 1 sec. (Les nanogrammes sont assez petits, soit un milliardième de gramme seulement).

Aux USA, tout matériau ayant une cote de perm de 1 ou moins est considéré comme un ralentisseur de vapeur adéquat pour la construction résidentielle. Étant donné que les exigences varient d’une province et d’une municipalité à l’autre, nous vous conseillons toujours de contacter votre municipalité et le bureau des permis avant d’entreprendre des travaux.

NIVEAU DE PERMÉABILITÉ À LA VAPEUR

Imperméable

0,1 perm ou moins

Semi-imperméable

Entre 0,1 et 1,0 perm

Semi-perméable

Entre 1,0 et 10 perms

Perméable 

Plus que 10 perms

Habituellement, dans les maisons canadiennes, construites après les années 1960, un pare-vapeur de polyéthylène (avec un indice de perméabilité à la vapeur de 3,4 ng) est installé derrière la cloison sèche. En fait, vous aurez du mal à trouver une maison construite ici sans frein-vapeur. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’autres options, mais seulement qu’elles ne sont tout simplement pas appliquées!

Le tableau ci-dessous montre la perméance de certains matériaux de construction courants, conformément au manuel des principes fondamentaux de l’ASHRAE.

Perméance de certains matériaux ASHRAE

Le problème tient en grande partie au fait que le polyéthylène de 6 mil installé comme pare-vapeur est souvent confondu avec le pare-air. Le rôle des différentes barrières ne devrait jamais être confondu: le pare-vapeur contrôle la diffusion de la vapeur, le pare-air freine les fuites d’air. Point.

Un polyéthylène (polythène) 6 mil peut fonctionner efficacement comme pare-air s’il est scellé correctement, mais il en va de même pour d’autres matériaux. Une cloison sèche bien scellée constitue en soi un excellent pare-air. Mais à moins que vous n’installiez un polythène dans le but exprès de jouer le rôle de pare-air, il ne fera probablement l’affaire. En fait, le terme de pare-air est rarement utilisé dans l’industrie de la construction résidentielle, alors qu’il le devrait !

© David Pisnoy, Unsplash

Des peintures qui freinent la vapeur

La classification d’un matériau en tant que pare-vapeur ou en tant que retardateur de vapeur (semi-perméable) est déterminée par la quantité de vapeur d’eau qui traverse le matériau dans des conditions spécifiques. Avec une perméance à la vapeur de 30 à 36 ng, certains apprêts (primer) retardateurs de vapeur disponibles sur le marché dépassent largement les exigences du Code national du bâtiment en ce qui concerne la diffusion de la vapeur d’eau (60 ng).

© Ecohome

Les inquiétudes selon laquelle les apprêts sont insuffisants pour contrôler la diffusion de la vapeur ne sont donc pas fondées. Ils ne sont simplement pas assez largement utilisés, et donc méconnus. Mais gardez à l’esprit que l’industrie de la construction peut être lente à adopter de nouvelles pratiques, indépendamment du mérite. Alors si vous avez envie de briser la norme, ne soyez pas intimidés. 

Ceci dit, Francois Bellefleur, conseiller technique pour PPG peintures architecturales Canada inc et inspecteur en bâtiment, apporte un fait intéressant : « Le problème qu'on rencontre souvent est que le polyéthylène a été oublié et on veut le remplacer par de la peinture. Mais l'apprêt laisse passer 10 fois plus d'humidité que le polyéthylène à 6mm. Il faut donc mettre plusieurs couches. Si les joints ne sont pas faits, il sera donc généralement plus économique d'enlever le gypse et de poser le polyéthylène que d'essayer d'avoir la même valeur avec de la peinture

Selon moi, la peinture qui joue le mieux le rôle de pare-vapeur est le Noxyde de Rust-Oleum, avec 0.091perm à 2 couches, qui donne environ 14 mils sec, soit l'équivalent de 8 à 10 couches de peinture. »

Comment déterminer si une peinture est pare-vapeur?

Selon le CNB  9.25.4.2., les pare-vapeur doivent avoir une perméance initiale d’au plus 45 ng/(Pa•s•m2). Mais si un enduit est appliqué sur des plaques de plâtre et s’il fait fonction de pare-vapeur, la perméance de cet enduit doit être déterminée conformément à la norme CAN/CGSB-1.501-M. 

Normalement, il sera indiqué sur le pot de peinture qu'elle est coupe-vapeur. En cas de doute, on regarde du côté de Benjamin Moore, la Super Spec (28.6 ng), par exemple. Ici encore, Francois Bellefleur, mets en garde « Seuls quelques produits ont passé les tests de perméance, et les fabricants ne donnent ces données que pour des peintures utilisées par les professionnels. Les informations se retrouvent rarement sur les étiquettes. Elles sont parfois sur la fiche technique, et encore… ». Pas si évident de les trouver, donc. Mieux vaut s'adresser à des professionnels !

Fuites d’air

Un élément crucial à comprendre est que la vapeur qui se transfère à travers les matériaux (ce pour quoi on pose un pare-vapeur) est généralement pointée du doigt, alors qu’il ne s’agit pas du principal problème: il y a 100 fois plus de vapeur d’eau transportée dans les assemblages via les fuites d’air! Le pare-air bien scellé est donc 100 fois plus important que le pare-vapeur.

Par conséquent, nous n’avons pas vraiment besoin d’aller dans les extrêmes en ce qui concerne les pare-vapeur. En fait, cela détermine plutôt notre attention de ce à quoi nous devrions vraiment faire attention, à savoir la mise en place d’une barrière à l’air efficace.

Voici le résumé de la maison poly-libre, et un peu de mise en perspective :

  • La diffusion de la vapeur d’eau à travers les matériaux ne représente qu’environ 2 % de la pénétration d’humidité dans les murs et un apprêt pare-vapeur au latex peut être deux fois plus efficace que ce qui est exigé par le Code.
  • Le polyéthylène est environ 15 fois plus résistant à la diffusion de vapeur d’eau qu’il ne devrait, il est cher à l’achat, complexe à installer, discutable sur le plan environnemental, et pire, peut même engendrer des problèmes en été.

Vous pourriez prendre le temps et l’argent normalement consacrés au polyéthylène pare-vapeur à poser dans les murs extérieurs et plutôt l’investir dans une peinture pare-vapeur et un pare-air parfaitement scellé. Cela permettra des économies de temps et d’argent substantielles et améliorera la durabilité de vos cloisons!

Le seul hic ici est que de nombreux inspecteurs en bâtiment ne savent pas que la peinture pare-vapeur est efficace pour contrôler la diffusion de la vapeur dans les murs. Lorsque vous allez chercher les plans pour l’obtention des permis, assurez-vous que le matériel que vous envisagez d’utiliser pour contrôler la vapeur d’eau est bien décrit, de sorte que vous puissiez mener un combat au bureau des permis et non pas après, lors d’une inspection, une fois que la maison est finie.

Pour l’article original et les références.