On estime qu’environ le tiers des pertes de chaleur d’une maison est du aux fuites d’air. Emmanuel Cosgrove donne une image parlante de ce défaut de construction: « chaque trou dans l’enveloppe laisse s'échapper des billets de vingt dollars! ». Écohabitation recommande donc fortement de rechercher les fuites et de les réparer. Et pour ce faire, rien de mieux que le test d’infiltrométrie.

C’est quoi, un test d’infiltrométrie ? Comment on procède ?

Le test d’infiltrométrie permet d'identifier les fuites d’air d'un bâtiment. Ce test permet de les réparer et d'atteindre une plus grande étanchéité à l’air... et une plus grande performance énergétique! Concrètement, il mesure le nombre de changements d’air à l’heure dans l'espace testé (maison, condo...). Vous ne trouverez pas de vidéos DIY sur YouTube à regarder à cet effet: il faut engager un professionnel pour le faire. Ils sont nombreux, vous aurez l'embarras du choix selon la région dans laquelle vous vous trouvez. Benjamin Zizi, conseiller technique en efficacité énergétique chez Écohabitation (on le voit sur les photos suivantes), réalise par ailleurs ce genre de test. Vous pouvez le contacter directement si vous habitez la grande région de Montréal. 

Voici la procédure qu'il suivra: tout commence par la fermeture des portes et fenêtres de la maison (et du garage attenant s'il y en a un) et autres ouvertures (la cheminée, par exemple). On installe ensuite un gros ventilateur dans la porte d’entrée principale (ouverte) et on scelle le tout avec une toile étanche. En mettant le ventilateur d’extraction en marche, la maison est dépressurisée grâce à une pression négative, inférieure de 50 Pascals par rapport à la pression extérieure. Ainsi, l’air est aspiré par n’importe quel trou dans la maison, aussi petit soit-il.

Installation de la porte en vue du test d'infiltrométrie dans une maison en construction par l'évaluateur Benjamin Zizi © Écohabitation

L’infiltration d’air créée est 20 fois plus importante que celle causée habituellement par le vent. De cette façon, on peut mesurer la quantité d’air qui entre par rapport au volume de la maison, et le temps nécessaire pour renouveler complètement l’air de celle-ci. En fonction des dimensions de la maison et du volume d’air dans la maison, l’opérateur peut donc déterminer le changement d’air par heure (CAH) du bâtiment testé.

CAH: petites fuites, grandes conséquences

En Amérique du Nord, les habitations qui sont construites actuellement semblent générer des taux de fuites d’air moyens d’environ 3 renouvellements d’air par heure (3 CAH). Pour illustrer: si on a un résultat de 1 CAH, cela équivaut à laisser une ouverture de 12mm d’une porte-patio dans une maison de grandeur moyenne.

3 renouvellements d’air à l’heure, c’est bien meilleur que dans la plupart des maisons anciennes dans lesquelles le volume d’air total sera remplacé naturellement plusieurs fois par jour, mais c’est tout de même BEAUCOUP de pertes de chaleur! Et cela cause non seulement des factures de chauffage plus importantes, mais cela influence aussi la durabilité de la maison. Car l’air qui s’en échappe est souvent humide, et dans la mesure où cet air humide pénètre dans les trous des murs, il peut se condenser et déposer de l’humidité sur les matériaux. Humidité signifie pourriture et moisissure, et des murs pourris et moisis signifient des rénovations domiciliaires importantes, à prix élevé. Rien de bon ne vient jamais de l’air chaud qui s’échappe de votre bâtiment en hiver.

Ainsi, certains systèmes d’évaluation ou certifications définissent des objectifs de CAH plus stricts à atteindre. Par exemple, les exigences de Novoclimat sont maintenant de 1,5 CAH maximum, alors que le taux de fuite de la maison passive doit être de 0,6 CAH par heure ou moins, ce qui est beaucoup plus étanche que la maison moyenne. C’est d’ailleurs pourquoi la maison passive consomme aussi peu d’énergie en chauffage. Par contre, il n’y a aucune exigence dans le Code à ce sujet (voir plus bas pour en savoir plus).

Le but du test d’infiltrométrie

Identifier les infiltrations et les pertes, et de les réduire. Car, comme mentionné plus tôt, le colmatage des fuites est un excellent moyen d’améliorer l’efficacité énergétique des maisons en construction. Et, puisque vous devez de toute manière acheter et installer des barrières pare-vapeur en polyéthylène de 6 mil, des pare-intempéries, des rubans adhésifs, scellants et bandes de calfeutrage… Le prix pour rendre l'enveloppe tout parfaitement étanche n’augmente pas vraiment.

Tout ce que vous avez à faire pour améliorer l’étanchéité à l’air d’une maison neuve est d’user de prudence et de prendre votre temps: quel est l’intérêt de sceller les joints d’une membrane si vous ne le faites pas adéquatement et que l’air passe tout de même ? L’achat de rubans de meilleur qualité est également une bonne idée. Ils collent mieux et sont efficaces nettement plus longtemps.

Pose de pare-air, pare-vapeur, pare-intempérie et scellement des joints avec rubans adhésifs et bandes de calfeutrage © Écohabitation

Certains constructeurs de l’ancienne école qui ne maîtrisent pas les sciences du bâtiment croient souvent, à tort, que de les laisser les murs « respirer » est une bonne chose. Ce n’est pas le cas: la condensation ne doit pas être emprisonnée dans les murs, mais ceux-ci doivent bien être de vrais remparts à l'air! Scellez votre maison au mieux et laissez votre système de ventilation VRE/VRC faire son travail.

Trouver et réparer les fuites d’air lors d’un test d’infiltrométrie

Notez cette journée à l’agenda: vous voudrez acheter quelques rouleaux de ruban et inviter votre famille à participer à une soirée « trouvez le trou et tapez-le ». Ceci sera particulièrement bénéfique lors de la construction d’une maison neuve, avant de poser le gypse, car vous pourrez sentir l’air avec vos doigts (ou le voir avec un bâton enfumé). Mais ces fuites seront difficiles, voire impossibles à trouver sans un test d’infiltrométrie. Par exemple, lors de la construction de la maison Edelweiss LEED V4 Platine, les résultats lorsque nous avons commencé le test étaient de 1,1 CAH, puis ils sont tombés à 0,64 après que quatre personnes aient passé plus d’une heure à colmater les fuites.

Sceller et colmater les fuites lors du test d'infiltrométrie, grâce à du ruban ou une canette d'uréthane © Écohabitation
Sceller et colmater les fuites lors du test d'infiltrométrie, grâce à du ruban ou une canette d'uréthane © Écohabitation

La personne engagée pour effectuer le test ne voudra pas rester toute la journée sans vous faire payer ses services. C’est pourquoi il est bon de que nombreuses personnes soient à la recherche des fuites en même temps.

Et du côté d’une maison existante? Il est également possible de procéder au test et colmater les plus grandes fuites, ou du moins, déterminer d’où proviennent les plus grandes pertes de chaleur. Bon à savoir: il existe maintenant sur le marché québécois un produit très intéressant qui peut sceller rapidement, simplement et assez efficacement les fuites d’une maison existante. Cela pourrait énormément vous simplifier la tâche!

Comment détecter les infiltrations ?

Benjamin Zizi réalise des tests d’infiltrométrie depuis de nombreuses années déjà. Pour effectuer le diagnostic, il identifie principalement trois méthodes. À la main, avec une poire à fumée, avec une caméra thermique.

À la main

Pour Benjamin, c’est la méthode la plus simple et la plus efficace. « Il suffit de sentir l’air qui rentre. Dans la majorité des cas il n’y a besoin d’aucun équipement de plus, cette méthode marche tout le temps. Quelquefois, les fuites sont très simples à détecter : on sent l'air directement sur soi comme sous un ventilateur, ou bien on entend carrément le sifflement de la fuite. Par contre, dans la plupart des cas, cela peut prendre du temps de faire le tour du bâtiment au complet. Un évaluateur expérimenté saura aller directement aux détails de construction qui posent généralement problème, et identifier les zones particulièrement importantes lors de la période d’opération. ».

Avec une poire à fumée

Ici, Benjamin utilise une poire à fumée ou un stylo à fumée proche des infiltrations d’air. « C’est une méthode plus visuelle, plus spectaculaire qu'avec la main, mais pas toujours très utile car il faut en général déjà savoir par où se fait l’infiltration, ou avoir de la chance ! Si on veut l’utiliser, on la réserve plutôt aux endroits difficiles d’accès et pour les murs mitoyens, mais elle n’apporte pas tant que ça à la méthode manuelle ».

Avec une caméra thermique

En tant qu’évaluateur, Benjamin traine toujours la sienne avec lui sur les chantiers. « La caméra thermique permet de voir votre bâtiment avec un autre œil. La méthode est très utile lorsqu’il fait plus froid dehors puisqu’on voit l’air frais rentrer (après quelques minutes de dépressurisation, on identifie les taches de froid, généralement là où l'air rentre). Elle n’est par contre d’aucune utilité lorsque la température est identique dehors que dedans, comme en été, ou pour des murs mitoyens par exemple. Dans les autres cas, c’est une méthode très efficace qui permet de détecter les fuites extrêmement rapidement. Elle est particulièrement utile sur les projets passifs où il est difficile de détecter les fuites très localisées, et sur les projets passoires où les fuites d'air sont trop diffuses pour une détection manuelle évidente ».

Quels produits prévoir pour le calfeutrage ?

Lorsqu’on parle de calfeutrage, on parle de sceller les points de pénétration du pare-air primaire pour assurer la continuité et la performance du système pare-air. Pour réaliser le calfeutrage, il faut prévoir une panoplie de produits pour différents usages :

  • Calfeutrant classique : souvent disponible sur le chantier, peut être utilisé s’il reste flexible dans le temps
  • Calfeutrant résistant au feu : utile pour les joints de pénétration non-combustibles et les coupe-feux
  • Scellant acoustique : très utile car il reste flexible avec le temps et garde tout son pouvoir de scellement
  • Ruban adhésif : utile pour les joints, choisir des rubans de construction performants à base d’acrylique
  • Duct tape (pour conduits) : choisir des rubans adhésifs à base de Butyl ou bien de Polypropylène orienté
  • Mousse de polyuréthane faible expansion : pratique pour remplir les espaces de taille moyenne
  • Remplissage petites cavités : utiliser un boudin en mousse 25% plus large que la cavité, puis sceller
  • Remplissage grandes cavités : utiliser des panneaux rigides (isolant, gypse, OSB, contreplaqué, retailles)

Incitatifs et rabais fiscaux pour la rénovation écoénergétique

Effectuer un test d’infiltrométrie sera probablement nécessaire si vous désirez obtenir des crédits d’impôts pour l'amélioration écoénergétique de votre maison. Certaines municipalités offrent également des allégements fiscaux et des rabais pour l’amélioration énergétique. Vous gagnerez ainsi sur tous les fronts: vous économiserez de l’argent sur la rénovation de votre maison, vous vous retrouverez avec une maison plus confortable, et vous payerez moins cher en frais de chauffage!

Nous vous invitons également à regarder du côté des programmes Novoclimat et Rénoclimat. Ils offrent les tests d’infiltrométrie et de l’aide financière pour réaliser vos travaux!

Le test d’infiltrométrie et la certification LEED®

Le test d’infiltrométrie constitue le seul moyen pour mesurer précisément l’étanchéité à l’air d’une habitation. Il est d’ailleurs obligatoire pour obtenir la certification LEED®. Les résultats du test sont intégrés dans le calcul de modélisation énergétique afin d’avoir la cote ÉnerGuide finale. Une cote minimale est exigée pour satisfaire la condition préalable dans la catégorie Énergie et Atmosphère de la certification.

Obligatoire, le test d’infiltrométrie?

Le test d’étanchéité à l’air est obligatoire dans de nombreux Codes de construction à travers les province (le nouveau Code de l’énergie en Colombie-Britannique en est un exemple), de même qu’aux États-Unis. Malheureusement, le Code de Construction du Québec ne l’oblige pas, malgré le grand intérêt à réaliser ce test, particulièrement dans un contexte d'augmentation des exigences des Codes énergétiques. Et surtout du fait que les propriétaires exigent des maisons durables, performantes et économes en énergie...