Le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Il est composé d’eau, de granulats et du ciment, ce dernier servant de liant dans la fabrication. Le béton à contenu recyclé a pour objet de remplacer une partie ou la totalité du ciment, un ingrédient à l'empreinte écologique très élevée. C’est exactement le rôle que joue VERROX, une poudre du verre issue de notre collecte sélective. 

Faire plus avec moins

© Chuttersnap, Unsplash

En plus de recycler et valoriser des bouteilles post-consommation, VERROX permet donc de réduire les gaz à effet de serre: une tonne de verre ajoutée dans le ciment permet de réduire d’une tonne les gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère!

Et l'avantage ne se limite pas à la réduction de l'impact climatique. La poudre de verre augmente également la durabilité du béton tout en réduisant les apports d’adjuvants, d’air et d’eau (en plus du ciment)!

Qualitativement parlant, les tests ont démontré que le béton avec poudre de verre est plus performant en termes de durabilité, de résistance et même en terme d’imperméabilité. Le béton avec ajout VERROX résistera donc mieux au cycle gel-dégel, à l’écaillage, à l'épandage du sel et à la compression. En prime, ce béton sans COV contribue à l’obtention de points LEED®!

La solution post-consommation

La SAQ ne consigne pas les bouteilles qu'elle commercialise, et l'enjeu a longtemps été porté dans le débat public. Mais le pas n'a pas été sauté pour des raisons complexes, autant techniques que de gestion. Les bouteilles de vin et autres alcools proviennent de partout dans le monde, et très peu sont fabriquées ici même au Québec. Les réacheminer ou les réutiliser n’est donc pas du tout évident. Par ailleurs, le système de collecte sélective au Québec (le fameux bac bleu) mélange toutes les bouteilles de verre, de tous types et de toutes les couleurs. Techniquement, il est très difficile de trier le verre par couleur pour en faire de nouvelles bouteilles. Bref, ce n’est pas si simple que ça!

C'est là que la transformation et l'utilisation de la matière première post-consommation s'est dessinée comme une solution. Lorsque le professeur Arezki Tagnit-Hamou a trouvé cette idée de la poudre de verre, la SAQ a pris le parti d'investir dans la Chaire de recherche de la valorisation du verre dans les matériaux de l’Université de Sherbrooke. Pour mettre en pratique ce projet, la SAQ et l’Université de Sherbrooke ont commencé à approcher l'industrie pour fabriquer cette poudre. Tricentris, qui pèse pour 30% du verre recyclé au Québec, s'est porté volontaire et a acheté la licence. L'usine de micronisation du verre a été construite à Lachute dans la foulée et la poudre de verre est sortie des lignes de micronisation.

Bref, le recyclage s'avère un moyen très intéressant de gérer de manière écologique les bouteilles en provenance de la SAQ. Et c’est bien plus simple pour tout le monde! Les particuliers n'ont pas besoin de ramener leurs bouteilles et de les trier. Ils les envoient dans le bac bleu avec ses bocaux d’olives, sa bouteille de kombucha, etc. Et le centre de tri Tricentris se charge de revaloriser le tout!

© VERROX, Tricentris

Les planchers et comptoirs que l’on voit avec des morceaux de verre apparents font partie principalement de projets de démonstration de la SAQ, en partenariat avec la chaire de recherche de l’Université de Sherbrooke et Tricentris.La SAQ, ayant investi dans le projet de recherche, a voulu démontrer son existence et ses bienfaits au public. Les morceaux de verre, en tant qu’agrégats dans le béton, parlaient d’eux-mêmes!

Mais comme ils sont coupants et plus fragile à cette taille, ils ne sont plus utilisés: on ne peut donc plus différencier un béton classique du béton avec ajout de poudre micronisée, qui est blanche. Fier de la durabilité que confère la poudre de verre à une dalle de béton, Grégory Pratte ajoute avec humour: « en fait oui, on le peut. Après deux ans, le béton contenant du VERROX sera celui qui sera beaucoup moins magané!».

Une technologie de chez nous

Pour produire de la poudre de verre VERROX, il a fallu développer une technologie de micronisation et l'appliquer à l'échelle industrielle. Ce procédé est réalisé à l’usine de micronisation du verre de Tricentris, située à Lachute dans les Laurentides: la compagnie offre une nouvelle voie de valorisation à cette matière tout en fournissant un ajout cimentaire performant.

Nous avons contacté Grégory Pratte, ambassadeur VERROX pour Tricentris, pour en savoir plus sur le produit. Lorsque nous lui avons demandé si cette idée merveilleuse avait été copiée d'une technologie ailleurs dans le monde, il a rétorqué que c'est tout l'inverse! « Nous sommes la première usine de micronisation au Québec, et on fait appel à nous partout à travers le monde pour obtenir notre recette! VERROX est présentement un produit de Tricentris, mais il se pourrait bien que VERROX soit produit à travers le monde sous peu ».

Grégory Pratte s’est donné pour mission de faire découvrir les innombrables avantages de ce débouché aux décideurs de l’industrie. Vraisemblablement, il a réussi haut la main. Mais il déplore l'accueil plutôt froid de l'industrie: « En partie du fait que nous proposons un produit totalement innovant que d’autres tentent d’imiter, et du fait que l’industrie du béton nous en veut un peu. Je m’explique. Nous avons pendant longtemps été les seuls à produire des ajouts cimentaires ici au Québec. Les ajouts cimentaires classiques, industriels sont produits à l’extérieur de la province. On doit payer le transport et il est de plus en plus difficile d’en trouver ».

«VERROX, le premier au Québec à avoir créé un ajout cimentaire recyclé, 100 % québécois, fait ses preuves depuis bientôt 10 ans. Évidemment, quand une innovation fait ses preuves, d’autres tenteront de la reproduire, et de l’introduire sur le marché », remarque-t-il.

L'industrie peine à s'adapter

L’industrie du béton aurait une dent contre le produit, selon Grégory Pratte. « Car la majorité des usines sont équipées pour adjoindre les ajouts cimentaires traditionnels au béton, mais pas pour ajouter le VERROX. » La poudre de verre micronisée, conforme depuis sa commercialisation, sera officiellement normalisée en décembre 2018 par le CSA comme ajout cimentaire dans la nouvelle version de la norme A-3000.

Ainsi, en décembre de cette année la poudre de verre sera enfin acceptée comme ajout cimentaire au même titre que les ajouts cimentaires traditionnels (cendre volante, fumée de silice, laitier). « Ça c’est un grand pas car la poudre de verre sera intégrée dans la nouvelle version de la norme CSA A-3000 » ajoute Grégory Pratte. En bref, d'ici quelques mois, les usines devront s'équiper de silos, afin de pouvoir mélanger le produit à leur mélange de béton, et ce dès le mois de décembre. Le hic: cette adaptation est très dispendieuse. 

« C’est donc une super bonne nouvelle pour nous, pour les acheteurs et pour l’environnement, mais pas nécessairement pour les usines qui produisent le béton », commente l'ambassadeur VERROX. « Faire du béton c’est un peu comme suivre une recette de Ricardo. On a un pot pour le sel, un pot pour la farine, un pour le sucre… et tout doit être mélangé dans de bonnes proportions, selon les ingrédients. Les industries qui n’en mettent pas déjà devront s’acheter des pots de poudre à pâte (le VERROX) pour répondre aux normes, et par le fait même à la demande».

Un avenir prometteur aussi dans la construction

Le produit est très en demande. Emmanuel Cosgrove, directeur de l’organisme Écohabitation, comptait bien en utiliser dans nos bureaux à venir : «  J’ai tenté d’avoir du béton composé de verre micronisé pour le futur bureau d’Écohabitation, mais malheureusement pour moi, et c’est aussi la bonne nouvelle du jour, ils sont victimes de leur succès et sont en rupture de stock ! ».

Grégory Pratte, de Tricentris, nous explique que présentement, la demande est principalement au niveau des municipalités et des industries, pour du mobilier urbain, des dalles de plancher et des trottoirs: « ce sont eux qui partent en appel d’offre, par exemple en demandant du béton qui contient 10 % de VERROX. Certaines usines de béton se sont donc adaptées à cette forte demande croissante, mais pas toutes. C'est aussi pour cela qu'Emmanuel a eu du mal à trouver le béton avec VERROX pour son futur plancher. Pas par manque de poudre de verre, mais par manque de l'industrie au niveau de la demande résidentielle ».

© VERROX, Tricentris

Est-ce qu'il y aura un plan mis en place pour faciliter l'achat au niveau résidentiel ? « Oui ! » répond, enthousiaste, l'ambassadeur VERROX. « Avant, le produit n’était pas encore normalisé – il a fallu 10 ans de tests en laboratoire et sur le terrain avant de se rendre ici – la job n’était donc pas garantie par l’entrepreneur; c’était donc le client qui assumait le risque ».  Ainsi, appliquer la technologie pour construire les fondations était vraiment un pas de plus: Écohabitation est un peu Nostradamus. On comprendra que les exigences ne sont pas les même pour faire un banc de parc ou un trottoir que pour soutenir une maison! Les gens qui construisent avec des ajouts de verre recyclé le font donc généralement de manière artisanale. »

Mais avec la reconnaissance du CSA, on rentre dans une nouvelle ère: le béton contenant du VERROX est sur le point d'être tout à fait accessible:  « comme toutes les cimenteries au Québec devront s’équiper dès décembre, l’ajout de VERROX dans tous les types de béton sera donc possible, et accessible, dès 2019. D'où ma comparaison avec Nostradamus ! Une excellente nouvelle pour tous ceux qui veulent réduire leur impact ou se construire LEED®, par exemple ».

Grégory Pratte est fier de la reconnaissance d'Écohabitation: « C’est certain que d’avancer avec des coups de bâtons dans les tibias, ce n’est pas toujours évident, mais l’innovation c’est ça ! Il faut y croire et surtout voir la valeur ajoutée… un peu comme vous, Écohabitation, qui croit depuis longtemps à la valeur ajoutée des maisons écologiques ! ».

Un béton plus performant, plus écologique, avec un prix avantageux par rapport au prix du ciment: Écohabitation applaudit l'initiative. Emmanuel Cosgrove, directeur de l’organisme Écohabitation, commente, rieur : « Un ajout cimentaire québécois né du plaisir des Québécois… Quoi demander de mieux! ».

© VERROX, Tricentris

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