Étanchéité, isolation, plomberie... Depuis l'ère industrielle, nos habitations contiennent du plastique! Conscients de l'impact de ce matériau qui finit bien trop souvent dans les sites d'enfouissement, nous nous sommes intéressés aux nouvelles avancées du polystyrène expensé utilisé comme isolant dans la construction, pour explorer comment l'industrie tente de réduire son impact environnemental et de faire augmenter le taux de recyclage du polystyrène. Suivez-nous dans son long chemin du berceau... au (pas encore vraiment) berceau.

Naissance: un peu de plastique, beaucoup d'air (ou de gaz)

Le polystyrène, c'est du plastique. Mais on n'en compte que 2 petits pourcents dans la composition de  l'isolant thermique. Le reste, c'est de l'air (pour sa forme expansée) ou du gaz (pour sa forme extrudée). Dans le polystyrène expansé (PSE), l'air est utilisé en grande quantité pour gonfler les billes de polymère.

De ce procédé de fabrication résulte un produit avec une densité très faible, combinée à une bonne résistance thermique: celle-ci varie entre R-3,69 par pouce pour le Type 1 (ou RSI-0.65/mm), R-4,03 par pouce pour le Type 2 (ou RSI-0.71/mm) et R-4,32 par pouce pour le Type 3 (ou RSI-0.76/mm). Il est conseillé de porter son choix sur les Types 2 et 3, non seulement pour leur capacité isolante, mais aussi car ils résistent bien à l'humidité et sont adaptés à l'utilisation sous les dalles ou sur les fondations.

Agents de gonflement chimiques pour le PSX

Si les petites billes agglomérées blanches du PSE sont très distinctives, on reconnait la version extrudée du polystyrène (PSX) à sa texture de mousse de couleur bleue ou rose. Différent en apparence, mais aussi dans son bilan environnemental. Plutôt que de l'air, ce sont des agents de gonflement chimiques, les hydrofluoroléfines (HFO), qui sont injectées dans la matière première. Ainsi, le PSX renferme de minuscules bulles de gaz, qui y ralentissent le mouvement de la chaleur et donnent leurs propriétés isolantes aux mousses. Cet agent de gonflement, utilisé depuis 2017, a un impact environnemental bien moins intense que son prédécesseur: il est non toxique, ne détériore pas la couche d’ozone et n'est pas considéré comme un composé organique volatil (COV) par l’Environmental Protection Agency (EPA) (consulter notre article sur les agents de gonflement du PSX). 

En 2021, au Québec, il sera interdit aux industriels d'utiliser des CFC et des halons et des limites règlementaires encadreront l'utilisation des substances de remplacement des CFC, soit les les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC), les hydrofluoroléfines (HFO) et les hydrochlorofluoroléfines (HCFO). Les derniers manufacturiers qui n'avaient pas encore remplacé les CFC ont fait le virage. Lisez cet article pour en savoir plus.

Traitement au retardateur de flammes: des progrès!

L'isolant de cellulose tient ses qualités ignifuges du sel de bore, un produit naturel et sain. Les isolants rigides en polystyrène, eux, contenaient jusqu'à récemment de l'hexabromocyclododécane, le HBCD, un dangereux retardateur de flammes à base de brome. Dangereux car cette molécule de synthèse, toxique, se dégrade difficilement et s’accumule dans les tissus vivants. C’est un perturbateur endocrinien toxique pour les organismes aquatiques, les animaux et l’homme. À cause de son utilisation en grande quantité dans l'industrie des tissus et de l'électronique par exemple, on retrouve aujourd'hui le HBCD partout: dans l’eau et les sols, en mer et jusque dans les régions polaires. Du côté du polystyrène, il n'était pas prouvé que le HBCD emprisonné dans la matière se libérait aussi dans l'environnement.

En mai 2013, lors de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP), qui a regroupé plus de 150 pays, le HBCD a rejoint la liste des vingt polluants les plus dangereux. L'industrie des isolants de polystyrène a commencé à remplacer l'HBCD à ce moment, et en 2017 il était totalement abandonné pour un nouvel agent retardateur de flamme, le Polymeric Flame Retardant  (PolyFR ou PFR). Ce retardateur de flammes non bioaccumulable a été développé par la multinationale américaine Dow Chemical, qui a par la suite vendu le brevet à diverses entreprises chimiques, qui ont à leur tour pu la vendre à des entreprises d’isolants.

Il faudra tout de même attendre les résultats à long terme de ses impacts car le nouveau retardateur contient toujours du brome, un élément persistant dans l’environnement. Les risques sont cependant plus faibles puisque le PFR est polymérisé dans le polystyrène, procédé qui enferme complètement le retardateur de flamme dans les billes. Cette évolution constitue donc une bonne nouvelle.

Pour en savoir plus:

Vie utile: dans nos murs

Le polystyrène utilisé pour l'isolation est un matériau stable a priori sans risque pour l’homme ou pour l’environnement lors des phases de fabrication et de mise en œuvre.

Le moment crucial arrive hors chantier: on voit trop souvent ses débris et particules s’éparpiller aux abords des zones de travaux, portés par le vent. Soyons vigilants!

Une fois dans les murs, la vie utile du panneau isolant en polystyrène est de 80 ans, quand tout va bien: c'est donc bien dans cette utilisation que le produit est intéressant! Rien à voir avec l'emballage destiné à une utilisation sur le très court terme. Le panneau d'isolation représente d'ailleurs une très belle fin de vie pour les quantités astronomiques d'emballages produites depuis 50 ans... « Tout le polystyrène produit depuis le début de l'ère industrielle pourrait être stocké sous forme de panneaux d'isolation dont l'utilisation est bien utile dans les bâtiments, cela représenterait une belle solution pour l'enjeu du recyclage de cette matière ! » explique Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation.

Comme mentionné juste avant, le polystyrène expansé de Type 2 ou 3 résiste bien à l'humidité, et sa valeur R est permanente, contrairement à d'autres types d'isolants. Comme il conserve ses propriétés physiques et isolantes à travers le temps, c'est donc un choix durable intéressant pour les dalles et fondations.

Fin de vie: recyclage en marche!

Dernière étape: la déconstruction. Dès qu'on produit un matériau, on sait qu'il finira un jour ou l'autre dans l'environnement. Alors quand il est biosourcé, évidemment la fin de vie est simple à gérer, les options s'avèrent bien plus écologiques que lorsque la matière première est d'origine pérolière, comme le polystyrène.

Le polystyrène, le fameux plastique « 6 », est l’un des plus utilisés, mais des moins recyclés au monde. Et au Québec, à défaut de pouvoir les acheminer à une usine locale, 80 % des styromousses, barquettes, emballages, verres, pots de yogourts, produits d’emballages et isolants sont mis directement aux poubelles et acheminés aux sites d’enfouissements. Sur une production annuelle de 92 000 tonnes, ça fait beaucoup, beaucoup de déchets.

En usine: pas de pertes

Au Canada, le polystyrène est régulièrement recyclé. Selon le rapport Canadian Residential Plastics Packaging: Recycling Program Access Report, de CM Consulting réalisé pour le compte de l’Association canadienne de l’industrie des plastiques, on en recycle plus de 40 %. Ce rapport, réalisé en novembre 2017 résume la situation ainsi : « En fait, le recyclage des résidus a toujours fait partie intégrante des opérations des usines productrices à travers le monde, et l’industrie utilise normalement environ 50 % de produits post-consommation dans la fabrication de ses nouveaux produits d’emballage en PSE, ce qui réduit considérablement les besoins de matières premières et en détourne une grande quantité des sites d’enfouissement ». 

En effet, le recyclage pré-consommation et post-consommation est bien rodé dans l'industrie du polystyrène, pour des questions d'économie principalement. Par exemple, la compagnie québécoise Isolofoam, située en Chaudière-Appalaches, recycle la majorité des rebuts de polystyrène générés par ses propres activités de production et réincorpore la matière recyclée dans bon nombre de ses produits. Le Groupe Isolofoam met au service de sa clientèle un service de cueillette pour ses résidus de polystyrène (utilisés pour le transport et pour l’empaquetage) afin de recycler ces derniers.

L’entreprise Polyform, située à Granby, a initié pour sa part la collecte du PSE à l’écocentre local. D’autres écocentres sont aussi desservis par ses services de récupération: ceux de Waterloo, Sherbrooke, Cowansville, Magog, PointeClaire et l’arrondissement LaSalle de Montréal. Ainsi, 10 % du PSE recueilli par Polyform provient des écocentres. Les citoyens peuvent y déposer tous les types de polystyrène propres (y compris alimentaires), et 86 % de la matière récupérée est du PSE blanc. Celui-ci est ensuite broyé, extrudé et granulé dans l'usine de Polyform, Polyvert Recyclage, et introduit dans la composition des nouveaux panneaux d'isolants.

Outre le réseau d'écocentres desservis par Polyform, les huit écocentres de la Régie des matières résiduelles du Lac-Saint-Jean (RMR) accepte eux aussi le PSE et le PSX depuis 2015. 

Défaut du circuit: la récupération auprès des consommateurs

À part ces initiatives ponctuelles, la récupération auprès des consommateurs pose problème au Québec. Mis sur le marché en morceaux souvent volumineux, le polystyrène coûte cher en transport... pour transporter principalement de l’air! Rappelons qu'il en est composé de 98 %! La récupération est donc très peu lucrative, ce qui explique que le polystyrène soit si peu, ou pas recyclé.

Ainsi, le polystyrène ne peut pas être mis dans les bacs de recyclage. En effet, pour qu’une matière puisse aller dans le bac, un marché de revalorisation doit être en place, ce qui n’était pas le cas dans la province. Il faut donc aller le déposer aux centres qui le récupèrent, ou encore dans les écocentres.

Dans son guide technique sur la mise en valeur du polystyrène post-consommation daté de 2016, Recyc-Québec mentionne que «70 % des Canadiens ont accès à un service de récupération du polystyrène rigide par l’entremise de la collecte sélective», mais que «ce taux est cependant de seulement 18 % au Québec, loin derrière l’Ontario (93 %), la Colombie-Britannique (94 %) et la Nouvelle-Écosse (100 %)».

Enfin, le gros problème du recyclage est que la qualité du produit recyclé est généralement diminuée. Afin de garantir une certaine qualité de produit, les manufacturiers incorporent toujours une portion importante de contenu neuf. On parle donc plutôt de sous-cyclage (ou downcycling), le recyclage en cycle fermé est absolument impossible.

Les panneaux d'isolation, quant à eux, ont l'avantage d'être facilement manipulables lors de la déconstruction, la démollition ou la rénovation. Contrairement aux produits giclés, ils n'adhérent pas aux parois qu'ils isolaient. Tout l'enjeu est donc de sensibiliser et former les entrepreneurs pour gérer sa fin de vie, puisque les solutions de recyclage existent. 

La récente solution post-consommation, par Polystyvert

La technologie développée par Polystyvert, une compagnie québécoise, change aujourd’hui la donne. Le procédé est vraiment efficace: en plongeant le polystyrène dans une huile naturelle qui agit comme un solvant, il se liquéfie. Et sous forme liquide, on peut transporter 10 fois plus de ce polymère entre le lieu de collecte et l’usine de recyclage, ce qui devient nettement plus avantageux.

À l’usine, les technologies en place permettent de séparer le polymère du solvant, de le récupérer et d’en faire de nouvelles granules prêtes à être réutilisées. Pas besoin de nouvelles énergies fossiles, on récupère ce qui existe déjà! Et l’huile peut également être recyclée. Des impacts majeurs sur nos ressources et sur les émissions de GES. 

Le polystyrène peut se recycler ainsi plus de 40 fois avant que sa qualité ne soit altérée. De plus, la technologie permet d’enlever les contaminants sur les plastiques, et de retirer le HBCD contenu dans les polystyrènes. La nouvelle usine, située à Anjou, peut présentement recycler jusqu'à 600 tonnes de ce plastique à chaque année.

« On aimerait vraiment voir la boucle du cycle de vie du polystyrène se fermer une fois pour toute. Ce genre d'initiative nous donne espoir et devrait avoir toute la place et le soutien de l'industrie pour parvenir à une gestion efficace du polystyrène » souligne Emmanuel Cosgrove. 

© Polystyvert

Ainsi, grâce à cette nouvelle perspective dans la transformation du polystyrène post-consommation, Polystyvert débute présentement des pourparlers avec les centres de tri afin qu’elles séparent les plastiques 6 des autres matériaux issus de la collecte. Nous avons joint Claire Holzer, analyste en environnement et gestionnaire de projet chez Polystyvert pour en savoir plus: « Concernant le service aux citoyens, le polystyrène n'est pas encore accepté dans la collecte sélective. le bac bleu. Nous travaillons fort pour trouver une avenue qui fonctionne pour toutes les parties prenantes afin que ce service soit donné aux citoyens. Mais c'est encore en phase préliminaire ».

 

Du côté des entreprises

© Polystyvert

Polystyvert offre un concentrateur à cartouches, idéal pour les grands magasins et compagnies qui utilisent beaucoup de polystyrène. Les rebuts sont insérés dans la machine, décomposés, et un camion vient récupérer la cartouche une fois qu’elle est pleine. Cela représente des économies pour les entreprises, souvent jusqu’à 80 % en réduction de coûts liés aux frais de gestion de leurs déchets. 

Claire Holzer précise que : « pour le fonctionnement du procédé Polystyvert, nous installation sur site, là où le déchet de polystyrène est généré, notre module de dissolution. Cet équipement peut être installé à toutes les places ayant des déchets de polystyrène, par exemple des magasins d'électro-ménager, de meubles, des épiceries, etc.. Le module est loué avec un frais mensuel et un frais de cueillette ».

Polystyvert entend maintenant gagner le marché de l’Ontario, l’Europe et les États-Unis.

Sources