Dans son Manifeste pour un mouvement vers l'habitation durable, Écohabitation propose d’utiliser une somme du Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC) pour le programme JeRenovEco, afin que les municipalités puissent avoir accès à du capital pour accorder à leurs citoyens des prêts pour la rénovation verte qui améliorent l’efficacité énergétique. L'objectif de la présente étude, réalisée par Marc-Olivier Pepin à l'été 2018, est de démontrer la pertinence de cette mesure.

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Rénovations écoénergétiques: les spécificités québécoises changent la donne

Dans bien des pays d’Europe ou aux États-Unis, réduire la consommation énergétique et l’émission de GES passe par l’investissement dans les énergies renouvelables. Ici au Québec, le climat, l’empreinte environnementale faible de l’électricité et le coût relativement bas de l’énergie favorisent un contexte où l’enveloppe des bâtiments est la première cible à viser, mais où il est difficile d’apporter des améliorations en efficacité énergétique, puisque la période de retour sur investissement est souvent plus longue que la période où l’on compte demeurer dans sa résidence.

Car on le sait, les Québécois pratiquent couramment le déménagement. Ils mettent leur maison dans des cartons en moyenne aux onze ans (Fontaine, 2015), tandis que la plupart des mesures d’économie d’énergies et de développement durable ont une durée de vie entre 10 et 30 ans (Dunsky, 2013). Un fait qui remet souvent en question la mise en oeuvre de travaux conséquents.

Locataires et petits propriétaires: financement difficile

Un manque de financement disponible de la part des institutions financières empêche aussi certains propriétaires d’améliorer le bilan énergétique de leur résidence. Les propriétaires qui ont de faibles cotes de crédit et/ou un ratio d’endettement trop élevé et/ou un ratio prêt-valeur trop élevé ne sont généralement pas admissibles à un financement par les institutions financières malgré la possibilité de réduire les annuités nettes (économie de coûts annuels - annuité du financement) et d’améliorer leur situation financière globale.

De plus, le dilemme propriétaire/locataire n’incite guère les propriétaires d’immeubles à réduire la consommation énergétique des logements qu’ils louent. Puisque le locataire paie la facture énergétique du bâtiment, le propriétaire ne souhaite généralement pas investir une somme importante dans l’efficacité énergétique. Finalement, les économies d’énergie estimées doivent être crédibles pour encourager les propriétaires à entreprendre des rénovations efficaces et durables.

La solution

Les résultats de l'étude d'Ástmarsson et al. (2013) montrent qu’un ensemble d’outils différents doivent être intégrés et utilisés collectivement pour surmonter le dilemme. Écohabitation propose 11 mesures pour l'aménagement et l'habitation durables à adopter par le gouvernement du Québec, s'il veut atteindre les cibles carbone 2030-2050.

  1. Réaliser des analyses de cycle de vie sur les infrastructures

  2. Freiner l’étalement urbain

  3. Faciliter le développement des unités d'habitation accessoires (UHA)

  4. Réduire les déchets du secteur CRD

  5. Financer la rénovation efficace

  6. Réduire la consommation à la pointe

  7. Interdire le gaz dans les bâtiments résidentiels

  8. Viser une étanchéité performante des habitations neuves

  9. Encourager les constructions hyperefficaces

  10. Réduire les polluants dans les habitations

  11. Mettre en place des mesures de prévention/atténuation du radon

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Vers plus de règlementation et d'intervention municipale

La règlementation peut jouer un rôle central dans l’ouverture des marchés pour la rénovation durable des bâtiments par le biais de programmes d’incitation, de codes du bâtiment, etc

L’importance des initiatives locales en matière d’adaptation aux changements climatiques a été soulignée par le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans son plan d’action 2013-2020 (PACC 2013-2020). En effet, une des priorités du ministère est de bonifier le programme Climat municipalités, financé par le Fonds vert, afin d’accompagner les organismes municipaux qui souhaitent réduire leurs émissions de GES (MDDELCC, 2012).

Sur base de ces observations, Écohabitation propose des recommandations en matière de financement des rénovations écoénergétiques conjointement à une modification conséquente de la législation sur les loyers pour répondre aux différents défis.

PACE, l’initiative de nos voisins du sud

Pace

C’est dans ce contexte que nous proposons une initiative semblable au programme de Property Assessed Clean Energy (PACE) introduit en 2007 aux États-Unis qui serait opéré par les municipalités à l’aide de financement provenant du Fonds vert.

Le programme PACE est un instrument de financement que les propriétaires et les promoteurs peuvent utiliser pour améliorer le rendement énergétique de leur bâtiment, installer des systèmes d’énergie renouvelable et réduire la consommation de ressources. PACE a été adopté par plusieurs États américains, dont l'Alberta ; il permet aux propriétaires fonciers de financer jusqu’à 100 % du coût initial des projets d’énergie propre, et est payé directement sur leur facture d’impôt foncier (ACEEE, s.d.). La différence principale comparativement aux prêts actuellement disponibles sur le marché provient du fait que le financement est lié à la propriété et non à l’emprunteur.

Ce programme croît rapidement en popularité en Amérique du Nord puisque les retombées estimées sont encourageantes.

pace - jerenoveco financement renovation
© PACE

Le programme québécois: JeRenovEco

Déjà adopté par plusieurs municipalités, JeRenovEco permet aux propriétaires de maison ou logement des municipalités concernées d’obtenir un prêt à un taux concurrentiel afin d’améliorer le rendement énergétique de leur bâtiment. Le financement pour les travaux, allant de 5 000 $ à 20 000 $, s'amortit sur une période allant de 10 à 25 ans.

Pour en savoir plus sur le programme de financement JeRenovEco.

Pertinence de l'outil

Un tel programme répondrait efficacement aux défis cités ci-haut :

  • Longue période de retour sur investissement. Grâce aux factures d’énergie moins élevées, ce sont les économies d’énergie et d’argent qui remboursent le prêt contracté auprès de la municipalité.
  • Possibilité de vente de l’immeuble rénové. Avec un programme de financement intelligent comme JeRenovEco, c’est l’habitation, et non les propriétaires, qui emprunte le montant nécessaire aux améliorations. Le remboursement est attaché à la résidence et la dette est transférable aux acheteurs lors de la revente.
  • Manque de financement disponible
  • Aucune mise de fonds n’est requise et le prêt est à long terme.
  • Dilemme propriétaires / locataires. Le programme PACE, l’équivalent de JeRenovEco aux États-Unis, permet au propriétaire de transférer le coût et les avantages des rénovations au locataire (ECONorthwest, 2011).
  • Crédibilité des estimations d’économies d’énergie. Exige un examen par une tierce partie indépendante pour s’assurer que les économies d’énergie sont susceptibles de se concrétiser.
© JeRenovEco

Le FECC pourrait assurer le succès de FIME

Il est intéressant de noter que le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC) dispose de surplus (949 millions de dollars) à la suite de l’exercice financier 2017-2018 (Gouvernement du Québec, 2018) et que le programme que nous proposons s’avère efficace pour les participants (voir section 4.1.1) et les municipalités (voir section 4.1.2) et s’intègre dans les priorités du ministère.

Argument de poids: pour le FECC, cette mesure permettra un autofinancement à long terme puisqu’il s’agira ici d’un prêt et non d’une subvention. Le taux d’intérêt accordé au participant doit, au minimum, contenir le taux d’inflation annuel. Au Canada, le taux d’inflation moyen entre 2008 et 2016 est de 0,9 % (Statistique Canada, 2016). Notre analyse considère ainsi un taux d’emprunt entre 1 % et 2,5 % (Dunsky, 2013). À l’instar des prêts hypothécaires, nous proposons une période d’amortissement allant jusqu’à 25 ans puisque la durée de vie des mesures de rénovations écoénergétiques est généralement entre 10 et 35 ans.

Impact pour le participant

Les bénéfices pour le participant dépendent de l'ampleur des travaux réalisés, de l'état initial de l'habitation... Écohabitation a mené une étude de cas concrète sur le sujet: considérons la rénovation d’une maison unifamiliale détachée, construite en 2004, dont la source de chauffage principale est l’électricité et qui bénéficie d’un prêt JeRenovEco de 8 137,23 $ pour réaliser les travaux suivants : 

  • Installation d’une thermopompe bi-bloc au rez-de-chaussée
  • Mise en place d’un récupérateur de chaleur des eaux de drainage
  • Installation d’appareils de plomberie à faible débit
  • Isolation du toit
  • Amélioration de la ventilation et de l’apport d’air frais
  • Amélioration de l’étanchéité à l’air du bâtiment

Ces rénovations permettront d’économiser un montant annuel de 443 $ sur la facture énergétique. Un prêt JeRenovEco amorti sur 25 ans a un taux de 2,5 % propose une annuité de 441,66 $ et un prêt assorti d’un taux de 1 % propose une annuité de 369,49 $. Dans les deux cas, une économie annuelle nette est réalisée.

En combinant nos hypothèses avec l’étude de cas réalisé par Dunsky (2013), il apparaît que l’économie annuelle nette dépend largement des travaux complétés. De plus, Dunsky (2013) estime que les travaux effectués entraîneraient en moyenne une augmentation de la valeur foncière équivalent à 50 % de la valeur des travaux. Selon Popescu (2012), les travaux écoénergétiques sont rentabilisés à 60 % simplement en augmentation de la valeur foncière de l’immeuble.  

Impact pour les municipalités

Pour la municipalité, les bénéfices sont encore plus importants selon l’étude de cas de Dunsky (2013). L’exemple de Victoriaville démontre que le ratio bénéfices/coûts obtenu par la municipalité était supérieur à 25 (bénéfices de 3 221 203 $ pour des coûts administratifs de 142 275 $). Ce ratio est aussi élevé puisque la municipalité n’avait qu’à financer les coûts administratifs et obtenait une hausse de l’impôt foncier considérable (435 509 $) et des retombées économiques locales avec, entre autres, la création de 20 nouveaux emplois (3 221 203 $).

Consultez l'étude complète

L'étude complète Financer la rénovation efficace, réalisée par Marc-Olivier Pepin, dont est extrait cet article, présente des aspects, arguments et calculs pertinents pour appuyer la proposition d'Écohabitation. Consultez-là ici.

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