Les panneaux de fibres à moyenne densité (MDF) sont devenus l’un des matériaux composites à base de bois les plus populaires, et pour cause: ils sont uniformes, lisses, exempts de nœuds et leur matière première, les résidus du bois, y trouvent une seconde vie intéressante.

Pour des considérations environnementales et économiques (voire pour parer à une éventuelle pénurie de ressources forestières qui opère déjà dans différentes parties du monde), de nombreuses tentatives ont été réalisées pour trouver des alternatives provenant de diverses sources agricoles. On connaissait les panneaux de chanvre ou encore la mousse rigide à base de plantes. Mais le riz, se classant second en termes d’importance de production céréalière à travers le monde, offre une belle opportunité à un niveau global.

Culture du riz: de gros impacts environnementaux

Pour le moment, les pratiques agricoles dans les rizières à travers le monde causent de graves problèmes environnementaux. Les agriculteurs, qui travaillent sans l’aide de machinerie lourde, doivent se débarrasser des résidus de culture après la récolte. Les solutions qu'ils ont développées contribuent aussi à niveler et fertiliser le sol, mais elles posent de graves problèmes environnementaux.

Après les récoltes, les résidus restés en place sont souvent brûlés. La pollution atmosphérique qui en découle se compte en tonnes de dioxyde de carbone (CO2), plus précisément 13 t par hectare brûlé. Les fumées contiennent aussi des particules fines, du monoxyde de carbone, des poussières, du souffre…

L'inondation est également pratiquée, afin d’accélérer la décomposition, éliminer les infestations d’insectes et de rats, et contrôler les maladies et épidémies potentielles. Mais pour ce faire, il faut détourner d’énormes quantités d’eau des lacs et des rivières avoisinants, alors que cette ressource manque déjà à de nombreux endroits, en plus de libérer d’importantes quantités de méthane, un gaz 25 fois plus puissant que le CO2 en potentiel de réchauffement global (PRG).

paille de riz © amazon.com

Dans les deux cas, les résidus de culture abondants constituent une ressource renouvelable gaspillée, année après année. À défaut de la brûler ou de la noyer, utiliser la paille de riz dans la fabrication de panneaux composites semble être la voie la plus prometteuse. Car la paille de riz est un produit agricole sans valeur ultérieure connue, pas même en tant que matière première en raison de son manque d'éléments nutritifs.

Transférer ces résidus en panneaux MDF permettrait de réduire l’impact écologique de la culture de cette céréale, tout en captant d’importants tonnages de CO2.

De plus, la paille de riz est moins chère que le bois, elle est locale, son rendement est constant d’une année sur l’autre, son coût est bas et surtout, il existe un groupe de producteurs motivé. Les agriculteurs n'auront pas à assumer les dépenses liées à la gestion de la paille de riz, leur permettant ainsi d'économiser jusqu'à 20 millions de dollars par an, tout en créant des centaines d'emplois locaux.

Une voie économique et environnementale plus que prometteuse, donc.

Des panneaux de riz aux normes de l’industrie

La paille de riz, tout comme la fibre de bois, est constituée en partie de cellulose, de lignine et de résine naturelle. Alors que la cire qui recouvre la paille de riz posait initialement problème, rendant incompatible le lien entre résines solubles et les résines de riz, de nombreuses années de recherche et développement ont permis de régler cette problématique. Les panneaux de MDF à base de riz, bientôt sur le marché, ont maintenant une excellente résistance mécanique, répondant à la norme américaine ANSI pour les panneaux intérieurs (ANSI A208.2-2009). 

Et comme la résistance interne et la résistance à la moisissure naturelle des fibres de riz sont élevées, nul besoin d’utiliser une colle formaldéhyde, un composé organique volatil (COV) toxique et cancérogène qu’on retrouve dans la plupart des produits du bois (aggloméré, contreplaqué, mélamine…). Le produit à faible émissions de gaz à effet de serre (GES) sera ainsi également conforme avec la nouvelle norme fédérale américaine TSCA Title VI sur les émissions de formaldéhyde. Un gros avantage niveau santé et qualité de l’air intérieur!

Partout dans la maison!

Tout comme les panneaux de MDF classiques à base de bois, ceux à base de fibre de riz conviennent aux meubles, armoires de cuisine et de salle de bain, cadres de fenêtres et portes, moulures, panneaux acoustiques, portes intérieures, revêtements de sol, pergolas, etc.

Des panneaux de riz prévus pour 2019

© CalPlant

L’usine CalPlant I située près de Willows, en Californie, qui utilise les déchets issus de la récolte de riz pour créer des panneaux de MDF, devrait lancer sa production dès l’automne 2019. Les résidus de riz sont récoltés depuis quelques années déjà et proviennent de la vallée de Sacramento, dans un rayon de moins de 40 km de l’usine. Calplant I deviendra ainsi le premier producteur mondial de panneaux de MDF à base de résidus de riz, fournissant 140 millions de pi2 de panneaux sans formaldéhyde à l’industrie des produits de la construction… chaque année! Reste à savoir si cette technologie sera aussi utilisée pour transformer les sous-produits des rizières asiatiques...

Excellente nouvelle pour le Canada, CalPlant I a signé en août 2018 un accord avec Columbia Forest Products, l’un des premiers investisseurs dans ce projet, lequel deviendra un agent de vente exclusif de ces panneaux. Rappelons que Columbia Forest Products est le principal fabricant de contreplaqués et de produits issus de résidus du bois en Amérique du Nord, et qu’il offre déjà une large gamme de produits écolos, sans formaldéhyde. Parmi ces contreplaqués écologiques, la gamme vedette est le PureBond, plebiscitée par les architectes et designers, utilisée dans de multiples applications intérieures.

Bref, on pourrait bientôt retrouver dans nos quincailleries sa version à base de riz! Un produit 100 % naturel, sain, recyclable, résistant à la déformation, à la moisissure, au feu, aux traitements divers (perforation, teinture, courbure, etc.) sur le marché de l'habitation durable est toujours le bienvenu! À suivre!

Pour en savoir plus

Sources