Le verdissement est au coeur des orientations de nombreuses municipalités, au Québec et à travers le monde. Et les nombreux bénéfices sociaux et environnementaux, voire économiques, encouragent les initiatives locales : lutte contre les îlots de chaleur urbains, rétention de l'eau de pluie, mais aussi amélioration de la qualité de vie et de la santé des citoyens urbains... Parmi les actions mises en oeuvre, la plantation d’arbres par les municipalités, des organismes ou des groupes citoyens représente un outil privilégié.

Qu'est-ce qu'une forêt Miyawaki ? D'où vient le concept de microforêts urbaines naturelles ?

Dans les années 1970, le botaniste japonais Akira Miyawaki Miyawaki, professeur à l’université nationale de Yokohama, avait remarqué que les zones protégées des temples, sanctuaires et cimentières étaient plus résilients que les forêts de conifères (non indigènes) des mêmes régions.

Le botaniste a donc exploré le potentiel de forêts urbaines miniatures, très denses, recréant de véritables écosystèmes. Complexes, elles se développent selon les caractéristiques du site et du climat local, améliorant la biodiversité en plus d’absorber du CO2 et de réduire les îlots de chaleur. Les pollinisateurs locaux, les amphibiens et les coléoptères se développant mieux avec une plus grande diversité d’abris et de nourriture, ils sont donc nombreux dans ces systèmes 30 fois plus denses qu’une forêt d’arbres matures classique et qui soutiennent de 20 à 100 fois plus d’espèces.

La grande variété d’indigène en cohabitation est ainsi la base de sa méthode : laisser la nature se développer par elle-même, avec des espèces indigènes. Le résultat ? Des écosystèmes matures en moins de 20 ans ! 

Pas surprenant que de petites parcelles de terre urbaine à travers le monde, souvent pas plus grandes qu’un terrain de tennis, se voient ainsi reboisées selon cette méthode japonaise, rendant les villes un peu plus vertes.

Forêt urbaine naturelle Miyawaki à Paris
Mini-forêt près de la Porte des Lilas, à Paris, plantée en 2019 par l'association Boomforest, un organisme qui propose la création de forêts naturelles urbaines selon la méthode Miyawaki. Ici, 6 mois après la plantation. © Boomforest
forêt urbaine miyawaki
Forêt urbaine Miyawaki à Barapullah, Delhi © Arnold Joyce

La méthode Miyawaki : un atout pour les contrer les changements climatiques

La reforestation est l’une des stratégies les plus attrayantes dans la lutte contre les changements climatiques. Évidemment, de petites zones boisées non connectées ne peuvent remplacer une forêt vaste, mais si vous avez une ruelle, un stationnement un coin de terrain non utilisé, une petite forêt urbaine reste un excellent moyen de contribuer à redonner un peu de place aux vivants.

De même, puisque ces systèmes possèdent un meilleur enracinement, ils peuvent résister aux conditions météorologiques extrêmes. Un bon atout pour nos villes (bruit, régulation des températures, baisse de l’érosion, moins de risques d’inondations, meilleure gestion des eaux de ruissellement) qui devront faire face à de plus en plus de pluie torrentielles, vents violents et périodes de sécheresses.

Le verdissement étant également avantageux au niveau de la santé, il n’est pas surprenant que la méthode Miyawaki gagne en popularité à travers la planète, où des volontaires, groupes communautaires et bénévoles se rassemblent pour transformer intelligemment leur ville.

Pour citer l’astrophysicien Hubert Reeves : « Nous menons une guerre contre la nature. Si nous la gagnons, nous sommes perdus. » Aussi bien nous allier à la nature le plus rapidement possible !

Méthode Miyawaki pour contrer les changements climatiques
8500 jeunes arbres ont été plantés sur une superficie de 3 000 m2 dans l'enceinte du Collectorat, Noida, dans l'Etat indien de l'Uttar Pradesh, en 2019 © Arnold Joyce

La microforêt rend des services écologiques sans remplacer ceux d'une forêt

La méthode Miyawaki a aussi ses détracteurs, qui questionnent sa portée, jusqu'à évoquer le greenwashing. Un article rédigé en février 2021 par des chercheurs français (Méthode Miyawaki : pourquoi les « microforêts » ne sont pas vraiment des forêts, Bastien Castagneyrol, Chercheur en écologie, Annabel Porté, Chercheure en écologie forestière et Christophe Plomion, Chercheur en génétique, Inrae) a attiré notre attention.

Bien que la microforêt Miyawaki, constituée de jeunes arbres indigènes plantés très serrés, pousse très vite, haut et (presque) sans entretien, elle ne leur assure pas cependant une grande viabilité.

Si les arbres poussent si haut et si vite, c’est parce qu'ils entrent en compétition les uns avec les autres. Ils cherchent à accéder le plus rapidement possible à la lumière, à l’eau et aux nutriments. L'écosystème forestier à l'échelle micro n'est donc pas tout à fait identique à celui de la forêt puisque la compétition est largement amplifiée. 

Une des rares études sur l’efficacité de la méthode de Miyawaki, menée dans le sud de l'Europe (Effectiveness of the Miyawaki method in Mediterranean forest restoration programs, Schirone, B. et al.,  Landscape and ecological engineering, 2011) relève une mortalité élevée des arbres 12 ans après la plantation : fait état de 61 à 84 % de mortalité des arbres. Mentionnons que cette étude se concentre sur les programmes de restauration forestière en Méditerrannée, où le climat est très éloigné de celui du Québec. Toutefois, elle souligne le fait que toutes les jeunes pousses plantées dans une métropole ne donneront pas, à terme, des arbres.

Bref, la microforêt urbaine restaure une biodiversité apparentée à celle d'une forêt et des fonctions qui lui sont associées, mais il ne s’agit pas d’une forêt. Pour autant, le concept qui rencontre un engouement mondial reste très intéressant en milieu urbain, comme solution aux îlots de chaleurs et au ruissellement des eaux de pluie.

Des forêts denses, résilientes à croissance très rapide pour verdir nos villes
Des forêts résilientes 

Comment faire une forêt Miyawaki ?

La méthode Miyawaki est très simple : planter densément un petit lot inoccupé avec des semis indigènes, et laisser la nature faire son œuvre. De fait, le tout nécessite très peu d’intervention humaine : les premières années demandent arrosage et retrait des espèces non indigènes, mais sans plus. Au bout de 3 ans, les forêts sont indépendantes et assez matures pour soutenir un réel écosystème.

Et ces forêts poussent très vite. Car puisque c’est dense, les végétaux doivent se concurrencer pour profiter de la lumière, mais surtout, les racines entre elles créent un microclimat qui stimule une croissance fulgurante. Plus c’est dense, plus ça pousse vite.

La clé des micro forêts urbaines

Pour Miyawaki, le caractère aléatoire d’un habitat est crucial, favorisant la concurrence des jeunes plans et donc une sélection toute naturelle, résiliente et moins fragile à la propagation des maladies, les arbres n’ayant pas tous la même sensibilité (rappelons-nous l’agrile du frêne…). Pour éviter de planter les arbres en ligne ou à égale distance, Miyawaki invitait souvent les enfants à procéder à la plantation !

Pour faciliter le succès de sa forêt urbaine, on peut opter pour des plans d’un an ou deux ans et fertiliser les sols avec des matières naturelles avant la plantation. Retourner, décompacter, affiner et amender la terre peut également être nécessaire, selon le sol.

Dans tous les cas, il est possible de planter de 30 à 40 essences différentes (environ trois plants au mètre carré), de l’arbuste aux arbres de canopée, sur une petite parcelle ! L’occupation verticale sera ainsi optimisée, la biodiversité maximisée et le stockage carbone plus grand. Pour favoriser la rétention de l’humidité, couvrir le sol de paillis après la plantation est une bonne idée.

Plantation d'une forêt urbaine selon la méthode Miyawaki à Rosemont
Plantation d'une forêt urbaine selon la méthode Miyawaki à Rosemont © Rosemont – La Petite-Patrie 

Créer une micro forêt de Miyawaki : les étapes

Première étape : étude du site et découverte de la végétation naturelle potentielle. Identifier des espèces indigènes à 20 km autour de la zone sélectionnée. Il est recommandé d'identifier entre 50 et 100 espèces différentes, elles peuvent être achetées dans une pépinière ou trouvées à proximité et transplantées.

Étape 2 : préparation du terrain. Nettoyer le sol, ajouter des nutriments organiques, préparer d'éléments permettant la rétention d'eau (à ajouter ultérieurement une fois la plantation terminée). 

Étape 3 : plantation. Planter entre 3 et 5 petits arbres par mètre carré. Appliquer la paille de protection, qui permet la création de l'humidité du bois et la rétention d'eau.

Étape 4 : entretien. Il est recommandé d'arroser et de désherber pendant 3 ans. Après 3 ans, le site forestier devient autonome. Il ne nécessite plus d'entretien : "L'absence de gestion est la meilleure gestion" selon le professeur Miyawaki.

Bien qu’elle offre d’importants avantages en ville, cette méthode est bien sûr efficace partout où on a l’espace ! N’hésitez donc pas à l’adopter même si vous êtes en milieux rural.

Deux premières forêts Miyawaki à Montréal

Vous pouvez maintenant découvrir à Montréal des mini forêts urbaines en devenir ! Comptant chacune 600 arbres et 30 arbustres, deux miniforêts ont été plantées en juin 2021 dans l’arrondissement Rosemont – La Petite-Patrie. Une première à Montréal !

Réalisées en partenariat avec la coopérative Arbre-Évolution, ces forêts composées de diverses essences ont la superficie d’un simple terrain de tennis, mais favorisent la biodiversité sur le territoire et réduisent les îlots de chaleur environnants.

Initié par l’Arrondissement, le projet a été réalisé avec le soutien de deux entreprises privées, TOTM Exposition et Ward & associés, qui contribuent au Programme de reboisement social d’Arbre-Évolution. Les 10 et 11 juin derniers, une vingtaine de personnes du quartier et des membres du personnel des entreprises donatrices ont pris part aux activités de plantation communautaire. À voir au parc Pélican et au parc du Père Marquette.

Plantation d'une Forêt urbaine à Rosemont- la Petite Patrie
Plus de 1200 arbres et arbustes ont été plantés au total dans les parcs du Père-Marquette et du Pélican, sur une superficie équivalant à deux terrains de tennis. © Rosemont – La Petite-Patrie 

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