L’idée du Mimosa est née d’une initiative issue d’un projet de recherche-action piloté par une équipe d’infirmières de l’Université du Québec, grâce à une subvention du Fonds société et culture du Gouvernement du Québec. Œuvrant en promotion de la santé auprès des jeunes familles de l’Outaouais, elles ont constaté au cours de leurs entretiens auprès des familles que leur besoin n’était pas tant d’adopter de saines habitudes que d’avoir accès à un loyer modique de qualité ! Comme l’a si bien dit la professeure, chercheuse et infirmière Judith Lapierre lors de notre entretien : « Pour arriver à la santé, faut déjà avoir un toit ! » Leurs priorités se sont dès lors ajustées en conséquence.

Trois des fondatrices du projet : Judith Lapierre, Solange Mudaogora et Marie Louise Maberu ainsi que l’infirmière Brigitte Kankindi | Source Judith Lapierre, 2018
Trois fondatrices du projet : Judith Lapierre, Solange Mudaogora et Marie Louise Maberu ainsi que l’infirmière Brigitte Kankindi © Judith Lapierre, 2018

Mission de l’organisme... et du projet !

Proposant une nouvelle approche à la santé des populations défavorisées, le Mimosa s'est tourné vers le logement communautaire dans le but d'agir sur les déterminants sociaux de la santé en offrant un milieu de vie propice, de même qu’en favorisant la création d’un filet social et communautaire fort. S’adressant spécifiquement aux familles monoparentales en situation de vulnérabilité, il offre des logements modiques à 25 % de leur revenu, pour une période maximale de 5 ans. Après quoi les locataires doivent quitter, de manière à laisser la chance à d'autres de profiter de ces accès préviligés aux différents services. 

Tout comme pour les autres logements communautaires, le fait de devenir locataire au Mimosa implique la signature d’une entente avec les résidents qui inclue l’élaboration d’objectifs prioritaires pour la famille, tels que le retour aux études ou au travail. Le Mimosa se distingue cependant en raison du fait qu'il implique aussi des l'adoption et le maintien de saines habitudes de vie dans le cadre d’un plan de vie. Pour atteindre ces objectifs, les familles peuvent compter sur plusieurs services d’accompagnement accessibles à même le bâtiment tels que : médecine, infirmerie, psychoéducation, aide aux devoirs, cuisine collective et activités sportives. Récemment, un nouveau volet de santé numérique a été ajouté au projet. Les résidents ont désormais accès au soutien d’experts en kinésiologie et en nutrition, grâce à une tablette qui leur a été fournie. On adore !

Souper de Noël du Mimosa | Source Judith Lapierre, 2018
Souper de Noël du Mimosa © Judith Lapierre, 2018

 

En libérant les familles de nombreuses contraintes financières et sociales et de la charge mentale associée à celles-ci, cette approche favorise l’adoption de comportements sains, tels que le préconisait initialement le projet de recherche. Le Mimosa va cependant plus loin, car il permet aussi l’habilitation personnelle, familiale et professionnelle des résidents. Pour créer cet environnement propice et bien évaluer les besoins de l’organisme, les experts de la construction ont été en contact avec celui-ci tout au long de la démarche.

Un mode de fonctionnement différent

Normalement, pour la construction d’un logement social ou communautaire, c'est un groupe de ressource technique (GRT) qui prend en charge le projet. Le GRT guide alors le groupe communautaire ou la coop en s'occupant notamment du montage financier et de la coordination du projet. Il agit ainsi comme intermédiaire entre les différents groupes professionnels impliqués dans la construction (architectes, ingénieurs, contracteurs, etc.), le GRT acquiert un site à développer ou à redévelopper et agit alors comme maître d’œuvre, généralement au nom d’un organisme. Dans le cas du Mimosa du Quartier, le projet a été conçu tout à fait différemment selon la formule "clé en main" en respect des exigences de la Société d'habitation du Québec.

Les infirmières à la base du projet de recherche financé par le FRQSC ont d’abord fait appel à l’expertise du Regroupement des OSBL d’habitation et d’hébergement avec support communautaire en Outaouais (Rohsco). Comme nous l’a mentionné Judith Lapierre, leur soutien était un élément charnière du projet : « Iza Godbout, du GRT ROHSCO, a été une complice et une très grande défenderesse du MIMOSA du Quartier auprès du constructeur. Le GRT était une pièce maîtresse du succès du projet. Iza savait défendre les intérêts d’un organisme d’économie sociale et comprenait les enjeux qui nous échappaient comme groupe promoteur. Elle apportait une expertise de pointe, était à notre écoute et exerçait un leadership dans les innovations à faire valoir ».

Modélisation du Mimosa côté cour © Lapalme et Rheault — Architectes associés, 2015

Accompagné du ROSHCO, le comité promoteur fondé par les infirmières, les chercheuses et résidents du secteur a constaté que pour être éligible au financement de la Ville de Gatineau et du programme Accès Logis de la Société d’Habitation du Québec (SHQ), il devait mettre sur pied un organisme communautaire. C’est ainsi qu’est né le Mimosa du Quartier. Plusieurs visites et consultations auprès d’organismes similaires de la région leur a permis de mieux cibler leurs besoins et d’élaborer leur projet en conséquence.

Le groupe a ensuite eu la chance de bénéficier du soutien de M. Beaudoin, fondateur de Beaudoin Construction et Rénovation, un entrepreneur général reconnu. Désirant contribuer au développement de sa communauté, M. Beaudoin a pris en charge la construction du projet au nom de l’organisme. Un partenariat a alors pris forme. Une fois l'organisme communautaire du Mimosa du Quartier officiellement fondé et les partenaires trouvés, le projet a pu appliquer aux subventions d'Accès Logis et aller chercher un financement supplémentaire à la Ville de Gatineau.

À cette étape, plutôt que de confier l’exécution à un GRT, l'organisme a choisi de confier le mandat au promoteur selon la formule "clé en main". Beaudoin Construction et Rénovation a alors lui-même mandaté différentes équipes professionnelles pour la conception et la construction de l’édifice. Les membres du « comité promoteur » de l’organisme furent quant à eux fréquemment présents sur le site tout au long du processus et en contact constant avec l’architecte et le constructeur. Cela leur a non seulement permis d’en apprendre beaucoup en cours de projet, mais aussi de contribuer au design de l’édifice, notamment grâce à une charrette de construction.

Aux dires de l'architecte, dans ce cas-ci, le choix de la formule "clé en main" a permis d’accélérer le design et la réalisation du projet puisque le promoteur engageait lui-même les différents corps de métier plutôt que de procéder par appel d'offre successifs, ce qui créer nécessairement des délais. Selon l'architecte Christian Rheault, ce projet constitue donc un « bon coup » qui pourrait inspirer de futurs projets qui seraient face à une situation similaire. Désormais, pour assurer son fonctionnement, l’organisme dépend évidemment de la perception du loyer des locataires, qui est très modique, mais aussi du soutien de l’Office Municipal de l’Outaouais (OMO).

Des espaces communs

Pour répondre à la mission de l’organisme, il était nécessaire que le design de l’édifice soit réfléchi de manière à contribuer à la naissance d’une vie communautaire. Comme nous en a fait part M. Christian Rheault, la vocation communautaire était centrale dans la conception du projet et elle devait se refléter dans la conception architecturale et dans l’aménagement du site : « Il fallait absolument réussir à créer une communauté avec ce projet-là. Ça faisait partie du programme dès le début ».

Cuisine collective, le Mimosa du Quartier © Lapalme et Rheault — Architectes associés, 2015

De concert avec l’organisme, la firme d’architectes a donc réfléchi à un design et à un aménagement qui favoriseraient la vie communautaire. Une charrette de conception a notamment été organisée en début de projet pour s’assurer de bien répondre aux besoins de la future communauté.

Souper de Noël dans la cuisine collective du Mimosa © Judith Lapierre, 2018

Plusieurs éléments en sont ressortis. D’abord, des espaces communs intérieurs bien conçus, selon les besoins : une grande pièce commune multifonctionnelle, une cuisine collective qui favorise l’adoption de saines habitudes de vie, des bureaux avec accès à des ordinateurs, des espaces pour aider les enfants à faire leurs devoirs et des espaces pour les différents services professionnels : bureau de médecin, infirmerie et espaces pour les travailleurs sociaux. Ça donne envie d'y être, non ?

Un côté cour grâce aux balcons en coursive

Un autre aspect architectural qui a été ciblé très tôt dans le projet était qu’en plus de l’interface côté « ville », faisant face à la rue, il devait aussi y avoir une interface côté « cour », qui ferait office de lieu de rassemblement et d’espace commun à partager. Cet aspect avait été jugé comme essentiel pour jeter les bases d’une communauté. Néanmoins, encore une fois, en raison de la nature du site, des défis particuliers étaient à prévoir.

En effet, étant donné le peu d’espaces dont disposaient les architectes pour installer le bâtiment, il était difficile de conserver assez d’espace extérieur pour aménager ce lieu. Aussi, les architectes ont retiré le traditionnel corridor intérieur entre les logements pour limiter l’implantation du bâtiment et ont plutôt eu recours à des escaliers extérieurs et des balcons en coursive.

Balcons en coursive, le Mimosa du Quartier © Lapalme et Rheault — Architectes associés, 2015

Ces balcons ont donc rempli plusieurs fonctions. D’une part, ils ont permis d’amener un maximum de lumière naturelle aux logements, tout en permettant d’aménager plus de fenêtres. D’autre part, la coursive a permis de libérer l’espace nécessairement à l’aménagement de la cour tant désirée.

Balcons en coursive, le Mimosa du Quartier © Lapalme et Rheault — Architectes associés, 2015

Les balcons sont ainsi devenus un lieu de rencontre, un lieu identitaire avec une vue et une relation à l’espace cour. Après avoir été rencontrés plus d'un an après la complétion du projet, les occupants et les architectes ont mentionné que la combinaison de ces deux éléments – balcon et cour – était unanimement appréciée par les occupants.

Pour l'architecte Christian Rheault, ce retour avec les locataires fut un moment très gratifiant, qui lui rappelle pourquoi il aime tant son travail d’architecte !

Vue du balcon du Mimosa © Lapalme et Rheault — Architectes associés, 2015

 

Financée par la Société d’habitation du Québec (SHQ) dans le cadre du Programme d’appui au développement de l’industrie québécoise de l’habitation (PADIQH), cette première étude de cas sur une série de quatre présente les enseignements des professionnels œuvrant dans le logement social et communautaire du Québec.