L’humain et le castor sont les bâtisseurs qui ont le plus d’impact sur l’environnement. Mais la comparaison s’arrête là, faisait remarquer un jour Jason F. McLennan, fondateur du Living Building Challenge (LBC). Quand le castor quitte les lieux, la biodiversité s’en trouve bonifiée. À l’opposé, l’humain la réduit. Cette différence marquée m’a amené à me poser la question suivante : pourrait-on régénérer l’environnement avec nos bâtiments ?

C’est le défi qu’on a tenté de relever via notre projet de rénovation entrepris en 2016. Le projet Maison SaSe, une résidence unifamiliale construite au cœur du Vieux-Sainte-Rose en 1845, vise ainsi la certification Living Building Challenge (LBC). Bien qu’elle soit encore très peu répandue comparativement à la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), c’est la première à engendrer un impact positif sur l’environnement.

Rénovation Living Building Challenge © Maxime Brosseau

Aux premiers abords, cette certification fait figure de sport extrême à côté des autres, car elle vise à réaliser, sans concession, 20 impératifs regroupés sous sept thèmes fondateurs. Baptisés « pétales », ces enjeux sont liés au site, à l’autosuffisance en eau et en énergie, à la santé et au bonheur, aux matériaux, à l’équité et à la beauté. Chacun de ces impératifs, pris séparément, est couramment réalisé. Le défi ? Les regrouper dans un seul bâtiment !

Pour évaluer si la maison rénovée allait poser un réel impact écologique positif, il nous fallait donc analyser l’ensemble des impacts environnementaux, l’ensemble des « pétales ». Pour ce faire, nous avons fait appel au Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et en écoconception (LIRIDE) dirigé par le professeur de génie civil Mourad Ben Amor, de l’Université de Sherbrooke. Les résultats paraitront dans notre prochain billet. Aujourd’hui, on se concentre sur notre plus gros défi, le choix des matériaux.

Pétale matériaux : l’expérience de la Liste rouge

Les défis du LBC, ma conjointe Carolyn et moi les côtoyions bien avant de retirer le premier clou de notre maison ancestrale. Dans le pétale « matériaux », la Liste rouge est l’impératif le plus difficile à respecter. En fait, cela équivaut à demander aux fabricants de matériaux de faire un virage de 180 degrés en divulguant leurs recettes de fabrication, soit leurs secrets industriels, puisque la certification exige de prouver que leurs produits sont exempts des 23 produits chimiques interdits par le LBC.

Matériaux interdits par le LBC © Ecohabitation

Nos échanges avec divers fabricants ont ainsi donné lieu à différents scénarios. D’abord, la plupart ne connait tout simplement pas la certification LBC. Pour ceux qui y montrent un intérêt, le suivi s’avère tout de même hasardeux, ces derniers pouvant rarement répondre à nos questions. Pourtant, l'International Living Futur Institute (ILFI) a créé un système d’étiquetage efficace. Nommé Declare, il permet de faire un choix de matériaux qui ne possèdent aucun des produits chimiques interdits. Alors, pourquoi ne pas se contenter des produits qui ont mérité le label Declare? Et bien ce répertoire ne regroupe pas encore l’ensemble des matériaux existants et plusieurs matériaux proviennent de l’étranger, ce qui pose problème pour respecter l’impératif de l’approvisionnement local en matériaux.

Choisir ses matériaux est donc encore une tâche bien compliquée ! Heureusement, le Conseil du bâtiment durable du Canada – section Québec nous donne bon espoir. Mon bureau d’architectes s’est regroupé à plusieurs autres et a signé son Initiative québécoise pour des matériaux de construction durables. Celle-ci demande officiellement aux fabricants de fournir de l’information détaillée et transparente sur leurs matériaux. De plus, quoique certains produits chimiques soient difficiles à remplacer, il est possible de trouver sur le portail du ILFI une liste d’alternatives déterminantes.

Pour le moment, simplifier le plus possible la construction et opter pour des produits non transformés, tout comme on le fait avec nos aliments, reste la marche à suivre. Dans notre cas, nous obterons par exemple pour des produits bruts tels que les parements de cèdre naturel ou de bois brulé, de l’acier inoxydable pour la toiture et de la chaux pour remplacer la peinture (tout en obtenant la composition du mélange).

Un processus semé d’embûches

En général, les bâtiments durables cachent un processus de conception et de réalisation semé d’embûches. Les données sur la consommation énergétique et autres performances de même que la satisfaction générale des usagers sont généralement cachées au public, qui ne voit que le résultat final apparent.

Pour pallier ce manque, la certification Living Building ne s’obtient qu’après un an d’occupation, en fonction de performances bien définies et mesurables.

Le but de notre projet Maison SaSe est donc de démocratiser cette certification exigeante en démystifiant les problématiques que l’on rencontrera et en « cultivant » chacune des pétales de notre rénovation écologique.

Nous avons commencé les démarches pour déposer nos demandes de permis à la Ville, mais comme nous sommes assujettis au plan d’implantation et d’intégration architecturale, notre argument doit être bien solide… Ça peut prendre plusieurs mois avant d’avoir une réponse favorable, mais nous comptons bien réussir à surmonter ces défis des maisons vivantes afin de vous présenter le résultat de notre démarche sous peu !

Restez à l’affût !

Vous en savez maintenant davantage sur la prestigieuse certification LBCdécouvrez le plus récent projet en lice, la maison La Confluence située en Alberta. Et pour en savoir plus sur les maisons remarquables comme la maison SaSe, consultez :

L'équipe du projet, lors d'une charrette de conception chez Écohabitation