Un programme pour encourager la construction et la rénovation d'habitations écoénergétiques à grande échelle est annoncé sur la plateforme du Parti Libéral fraîchement élu: annonce enthousiasmante!

Rénovations écoénergétiques et subventions pour le zéro émission: des investissements payants pour tous

Lutte contre les changements climatiques, stimulation de l'économie, habitations écoénergétique plus abordables et habitations plus résilientes aux épisodes climatiques extrêmes : une liste d'avantages qui ressemble à un discours politique gagnant! Dans ce cas, cela pourrait être réaliste: les travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique des habitations offrent ce que nous pensons être excellent retour sur investissement à de nombreux points de vue.

Un habitation hyperperformante est plus durable: elle consomme moins d'énergie, requiert moins de travaux et a une plus grande valeur de revente. De quoi satisfaire les propriétaires.

L'investissement est gagnant aussi économiquement parlant: l'argent dépensé pour des travaux de rénovation bénéficie aux entreprises locales et contribue à alimenter le secteur du bâtiment à grande échelle. Les incitatifs pour les particuliers soutiennent ainsi l'emploi et de l'économie locale.

Et évidemment, ces mesures d'encouragement contribuent à atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES liées au secteur du bâtiment...

Les mesures libérales sous la loupe

Le Parti Libéral annonce un investissement pour rénover 1,5 million de maisons au cours des cinq prochaines années. « Contribuer à la rénovation de 1, 5 million de maisons, c'est très honorable! Selon les données de Statistiques Canada, cela représente environ 10% des habitations au Canada » commente Benjamin Zizi, coordonnateur technique et Évaluateur écologique et énergétique LEED Habitations chez Écohabitation. Est-ce assez ambitieux pour respecter la cible de l'accord de Paris? Une question à éclaircir... N'hésitez pas à laisser vos commentaires!

Mentionnons que la subvention canadienne pour des Maisons plus vertes, lancée en 2021, ne prévoit finalement qu'aider la moitié des propriétaires annoncés, soit jusqu'à 700 000 propriétaires. On passe donc de 10% à environ 5% des habitations au Canada.

Voici comment se déclinent les mesures du programme libéral:

Audit énergétique gratuit pour les propriétaires de maisons et d’immeubles

L'audit est évidemment une excellente initiative, pourvu qu'il soit bien fait et permette de faire un diagnostic précis. Car tous les travaux d’amélioration énergétique ne payent pas autant. On croit souvent, à tort, qu'installer de nouvelles fenêtres est le premier investissement à faire. Pour éclairer la question, Écohabitation a déterminé les priorités pour les maisons québécoises dans son étude sur le potentiel des économies d’énergie sur la consommation québécoise et sur notre portefeuille. Dans le top 3 des mesures, on compte l'installation d'une pomme de douche efficace, l'étanchéisation à l'air de l'enveloppe de l'habitation et l'isolation du grenier.

Prêt sans intérêt pouvant atteindre 40 000 $ aux propriétaires de maison et d’immeuble pour leurs rénovations

Excellente chose! aussi. Il faut le souligner: un prêt de 40 000 $ peut permettre de faire de vastes travaux dont les résultats en terme de performance énergétique feront une grande différence. « Cette initiative est particulièrement prometteuse! », reconnaît Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation. « Il faudra s'assurer que les prêts aient de sérieuses balises, pour que les rénovations réalisées garantissent une meilleure efficacité énergétique » ajoute Benjamin Zizi.

Subvention pouvant aller jusqu’à 5 000 $ à l'achat de maisons neuves certifiées zéro émission

Cette mesure combine le soutien de l'accès à la propriété et celui de l'industrie de la maison neuve performante. Mais qu'est réellement une maison zéro émission? Habituellement, le zéro émission concerne l'énergie consommée en opération, pour l'électricité et le chauffage. En bilan sur une année, une maison Net Zéro génère un bilan annuel neutre en énergie et donc n’émet aucun GES. Évidemment, de l'énergie est tout de même consommée, mais elle est compensée par des systèmes de production, souvent photovoltaïques. Au Canada, le programme de certification Net Zéro a été lancé en 2017 par la Canadian Home Builders Association (CHBA).

Tout d'abord, on peut féliciter les Libéraux d'introduire la notion d'émissions plutôt que d'énergie: « car toutes les sources d'énergie sont loin de se valoir en terme d'impact environnemental, particulièrement à l'échelle du Canada ». Mais soulignons que les émissions de carbone reliées à l'habitation proviennent aussi en grande partie de la construction elle-même: l'énergie grise contenue dans les matériaux utilisés joue pour beaucoup dans l'impact environnemental.

Cependant, alors qu'il y de bons avantages à certifier (normalisation de la méthodologie et des techniques, facilitation de la diffusion), la certification n'est pas encore pleinement effective au Québec. On peut bien sûr y construire selon les principes du Net Zéro et atteindre une consommation neutre, mais pour le moment, et à une exception près, la province est la seule au Canada dans laquelle on ne peut obtenir le label MNZ

Investissement de 100 millions de dollars dans le perfectionnement des compétences des travailleurs qualifiés

Pour pouvoir accompagner l'augmentation de la demande, investir pour former les professionnels est cohérent. Inspecteurs pour les audits énergétiques, et entrepreneurs généraux et spécialisés pour les rénovations et construction de maisons écoénergétiques, et organismes de certification devront pouvoir répondre aux cibles déterminées par les programmes.

Cette mesure rejoint la proposition que le Conseil du bâtiment durable du Canada avait présentée au gouvernement dans le cadre du budget fédéral 2020, afin d’accélérer la transition vers la construction et la rénovation de bâtiments à faibles ou à zéro émissions.

Homologation ENERGY STAR obligatoire pour tous les nouveaux appareils électroménagers à partir de 2022

Si elle parait intéressante, cette mesure s'avère ambivalente. L'homologation ENERGY STAR existe pour démarquer les appareils les plus performants disponibles sur le marché. Historiquement, ENERGY STAR est un levier pour tirer le marché vers le haut ; mais si elle devenait obligatoire, elle serait vidée de sa pertinence... Puisque le rôle du gouvernement est de réglementer la mise en marché des produits, alors il serait plus pertinent de fixer comme minimum de performance requis pour la mise en marché de nouveaux appareils, en plus d'augmenter le niveau d'exigence d'ENERGY STAR pour qu'il permette toujours d'identifier les meilleurs électroménagers.

Les programmes déjà en place au Québec

Les mesures de soutien pour l'habitation résiliente et écoénergétique fonctionnent. On l'a constaté au Québec, toutes les formes de subvention, crédits d'impôts et même programme de financement sans intérêt remportent un grand succès auprès des particuliers.

  • La programme de subventions Rénoclimat, qui existe depuis plus de 10 ans, a versé pas moins de 141,4 M $ en aide financière aux participants pour mieux isoler et rendre étanche leur maison et installer un système de chauffage plus performant.
  • Le crédit d'impôt Rénovert, disparu du budget provincial en 2019, avait été un grand succès auprès de plusieurs milliers de citoyens afin de financer leurs rénovations, avec une enveloppe budgétaire de 175 millions de dollars.
  • Le financement innovateur pour des municipalités efficaces (FIME), mis sur pied par l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie (AQME) déjà adopté par plusieurs municipalités, permet aux propriétaires de maison ou logement des municipalités concernées d’obtenir un prêt à un taux concurrentiel afin d’améliorer le rendement énergétique de leur bâtiment. Le financement pour les travaux, allant de 5 000 $ à 35 000 $, s'amortit sur une période allant de 10 à 25 ans.

Écohabitation l'a vu avec FIME: le principe d'un prêt sans intérêt est particulièrement porteur. Ce levier de financement supprime les freins liés à la durée de période de retour sur l’investissement des travaux. Cet outil de financement figure d'ailleurs dans notre Manifeste pour un mouvement vers l'habitation durable. Ce Manifeste présente des mesures à adopter tant au pallier fédéral autant que provincial.

C'est justement de FIME qu'Emmanuel Cosgrove et Mathieu Gillet d'Écohabitation, ont parlé avec la Ministre de l'Environnement et du Changement climatique Catherine McKenna, en septembre dernier. « Pour l'application des mesures du Parti Libéral, un mécanisme comme celui de FIME serait très intéressant, puisque les propriétaires n'habitent pas à vie dans la même habitation. En fait, plutôt qu'un prêt à des citoyens, ce serait plus intéressant que des fonds mobilisables par les municipalités soient débloqués. Comme prévu dans FIME, celles-ci pourraient recouvrir leur prêt via les taxes municipales, sans intérêt », explique Benjamin Zizi.

Mesures fédérales pour l'habitation écoénergétique: la suite

Écohabitation a hâte de voir quelle forme prendra concrètement ces mesures chez nous. Pour l'opérationalisation au Québec, on s'attend à ce le Ministère des Ressources naturelles prenne les commandes.

Suivre le cadre de l'ancien programme fédéral écoÉNERGIE Rénovations – Maisons (désormais archivé), avec des conseillers en efficacité énergétique, serait une bonne chose. Ainsi, il faudrait que l'audit énergétique soit obligatoire pour avoir accès au prêt. Cela privilégierait les travaux qui sont les plus rentables. L'investissement financier serait optimisé au maximum.

Finalement, le gouvernement a la capacité de fixer une base pour les nouvelles constructions: il serait bon que des engagements soient pris pour améliorer les codes actuels. « Fixer des exigences plus strictes en termes de consommation énergétique primaire et d'émissions de GES des habitations », précise Benjamin Zizi, « l'électrification des maisons dans toutes les Provinces devrait être favorisée: c'est la seule option raisonnable pour décarboner nos consommations énergétiques résidentielles à court, moyen et long terme »